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Bicarbonate et Covid-19, étudions avant de juger

Le témoignage du Tunisien qui a consommé du bicarbonate de soude pour se soigner contre l’infection par la Covid-19, porté par un élan de solidarité en partageant son expérience, a bouleversé les réseaux sociaux. La vidéo diffusée sur facebook a été supprimée. Certes, la «désinformation» est à craindre pendant cette épidémie, mais est-ce une information «fausse», ou une information «à vérifier» ou plutôt «une ouverture d’horizons»?

Par Nawel Belaid *

Le PH acide/basique a fait parler de lui dans l’aire du coronavirus. L’intérêt de l’acide a été soulevé dans la prévention de la coagulation intra-vasculaire disséminée et des thromboses provoquées par l’infection au coronavirus, après l’anecdote de la famille mexicaine aux Etats-Unis qui s’est réveillée sans symptômes après quelques cachets d’aspirine, du jus de citron et du miel.

La question était : est ce l’acide qui les avait guéris? On traite bien les rhumes par de la vitamine C : l’acide ascorbique… c’est, en fait, un acide. Il faudrait des études pour en savoir plus. Mais qui voudrait bien financer une étude qui coûte cher pour une molécule qui ne coûte pas cher? Comme tout projet entamé, il faut un retour sur investissement puisque la recherche scientifique est peu financée pour le seul but de faire avancer la science. Mais l’enjeu économique avec le spectre de la Covid-19 est
important et risque de durer longtemps.

Un gain de temps énorme pour la science

L’idée du citoyen tunisien qui a pris du bicarbonate de soude pour prévenir la maladie et guérir ses proches de l’infection au coronavirus ne semble pas aussi charlatanesque. Avant de juger que c’est impossible, étudions.

Le bicarbonate a en effet plusieurs utilisations thérapeutiques. Il est utilisé dans les acidoses métaboliques en perfusion, pour les mycoses buccales en bain de bouche, per os pour le pyrosis, les lithiases, localement comme dentifrice et exfoliant de la peau. Comme produit de nettoyage, il est utilisé comme désinfectant virucide sur les surfaces, appuyé par plusieurs études comme celles de Malk, Rutala, Olson, Yang et Malik.

Ce citoyen tunisien avait par lui-même vérifié la dose, les effets indésirables, les usages du bicarbonate en thérapeutique courante, et même effectué des analyses sanguines sur lui-même pour préciser les valeurs de la réserve alcaline après les prises orales. Ses proches et les nombreuses personnes qui se sont prêtées volontairement à ses conseils offrent à la science une étude de cas étalée sur un plateau. Un gain de temps énorme pour la science, ni revue de littérature pendant des mois, ni d’études sur cobayes, ni d’accord de comité d’éthique, ni critères d’inclusion et d’exclusion, ni recrutement de volontaires, ni de pertes de vues.

Les chercheurs savent combien les études expérimentales sont tortueuses par les nombreuses étapes qui doivent être rigoureusement respectées, le temps que ça prend, et le coût. Sans inciter à l’automédication, il est possible, quand c’est déjà fait, de se pencher sur cette expérience et en tirer ne serait ce qu’une piste.

Des études anciennes à la rescousse

Ce citoyen tunisien n’avait peut-être pas tort, et je crois même qu’on lui doit des excuses, et… des remerciements. Voici une étude publiée sur les anciens coronavirus en 1990 de LS Sturman.

«Le coronavirus s’est avéré assez stable à pH 6,0 et 37° C (demi-vie, environ 24 heures), mais a été rapidement et irréversiblement inactivé par un bref traitement à pH 8,0 et 37 ° C (demi-vie, environ 30 minutes).»

Et une autre étude de Haider, pour ne pas consommer du bicarbonate per os, dit ceci :

«Dans un environnement légèrement alcalin, les virus peuvent être affaiblis ou ne pas se multiplier efficacement. La fonction immunitaire peut également mieux fonctionner en milieu alcalin. L’alcalinisation peut être obtenue en augmentant les sources alimentaires alcalines, l’eau alcaline ou les boissons alcalines (fruits et légumes) et en réduisant les sources alimentaires acides (viande, poisson, œufs, produits laitiers, céréales, boissons gazeuses). Le coronavirus s’est avéré assez stable à pH 6,0 et 37° C (demi-vie, environ 24 heures), mais a été rapidement et irréversiblement inactivé par un bref traitement à pH 8,0 et 37 ° C (demi-vie, environ 30 minutes).»

Tunisiens portez-vous bien, et soyez solidaires et réfléchis. La Covid-19 étant saisonnière, on en a jusqu’à avril 2021 pour que la situation épidémiologique commence à s’améliorer. Mais ceci est un autre sujet.

* Médecin à Sousse.

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