Accueil » Covid-19 : Mutatis mutandis, vers un nouveau virus national ?

Covid-19 : Mutatis mutandis, vers un nouveau virus national ?

Alors que la raison économique est invoquée pour justifier le laisser-aller sanitaire qui sévit depuis plusieurs mois en Tunisie, et alors que les morts liées à l’infection se multiplient dans l’indifférence autant de la population que des autorités, le cas anglais devrait nous faire réaliser combien l’éventualité de la mise en quarantaine de notre pays par la communauté internationale, dans le cas de l’apparition d’une souche locale de virus Covid-19, pourrait nous être autrement préjudiciable que la fermeture des cafés, restaurants, dancings, et hôtels, pour les fêtes de fin d’année.

Par Dr Mounir Hanablia *

La nouvelle lignée du virus Sars Cov2 apparue au sud de l’Angleterre se propage 1,7 fois plus vite que la souche originelle. C’est ce que l’on sait actuellement avec certitude. Rien pour l’instant ne semble indiquer que la nouvelle souche soit plus virulente, qu’elle soit résistante aux vaccins, ou qu’elle traverse les défenses immunitaires des personnes qui ont déjà été infectées. Mais on en saura certes plus dans quelques semaines.

Le séquençage fait apparaître déjà que cette nouvelle lignée Sars Cov 2 dite 1.1.7 possède 14 mutations sur son génome et 3 délétions, entraînant la modification des protéines de son site d’arrimage ou couronne, sur la cellule humaine.

Le taux de mutations serait inférieur à celui de la grippe

Dans l’absolu, il est cependant normal qu’un virus mute. Au Danemark, il y a quelques semaines, des ouvriers travaillant dans des fermes d’élevage de visons ont été contaminés par une nouvelle souche et le gouvernement a fait procéder à un abattage massif des bêtes. Celles-ci, au lieu d’être incinérées, ont été enterrées pour d’évidentes raisons d’économie entraînant la contamination de la nappe phréatique. Et en Espagne on vient de signaler l’apparition d’une nouvelle souche, toujours parmi le personnel travaillant dans des fermes d’élevage d’animaux.

On a estimé en Angleterre que le taux de mutations serait de 1 à 2 par mois, nettement inférieur à celui de la grippe, et dans leur grande majorité elles n’ont eu aucune incidence sur les protéines de surface ni sur une aptitude supplémentaire du virus à surmonter l’immunité de l’individu hôte.

Cependant, les cas anglais et sans doute américain, où les Etats ont réagi trop tardivement face à la pandémie, ont démontré ce qui est maintenant une évidence: la corrélation entre la mortalité due à l’infection et l’absence de mesures prises pour en limiter la propagation. En Angleterre, la mortalité parmi les patients testés positifs a été de 970 sur 1 million, contre 12 en Corée du Sud et 3 en Chine. Mais l’apparition de la nouvelle lignée anglaise confirme maintenant autre chose. La vitesse de mutation du virus croit avec sa capacité à contaminer rapidement, c’est-à-dire son R0.

Le risque d’apparition d’une souche locale de virus

Quoi qu’il en soit, l’Angleterre se retrouve aujourd’hui privée de liaisons aériennes avec le reste du monde. Et dans les pays à l’instar de la Tunisie où les mesures de distanciation et de confinement ne sont pas respectées ou appliquées, quand elles ne sont pas ignorées, le risque d’apparition de nouvelles souches virulentes et résistantes aux vaccins n’en est que plus grand.

Alors que la raison économique est chez nous invoquée pour justifier le laisser-aller sanitaire qui sévit depuis plusieurs mois, alors que les morts liées à l’infection se multiplient dans l’indifférence autant de la population que des autorités, le cas anglais devrait nous faire réaliser combien l’éventualité de la mise en quarantaine de notre pays par la communauté internationale dans le cas de l’apparition d’une souche locale de virus, pourrait nous être autrement préjudiciable que la fermeture des cafés, restaurants, dancings, et hôtels, pour les fêtes de fin d’année.

* Cardiologue, Gammarth, La Marsa.

Articles du même auteur dans Kapitalis :

Donnez votre avis

Votre adresse email ne sera pas publique.