Accueil » Blue Talks : L’océan et la mer : la vie et la survie post Covid

Blue Talks : L’océan et la mer : la vie et la survie post Covid

Le cinquième webinaire «Blue Talks», organisé par le Club Bleu, s’est tenu le mardi 8 juin 2021, à l’occasion de la Journée mondiale de l’océan, célébrée pour rappeler que les océans jouent un rôle primordial dans notre subsistance. Plusieurs experts et activistes du monde marin en Tunisie y ont pris part.

Ce webinaire a su capter un l’intérêt d’internautes sensibles aux questions environnementales et maritimes. Plusieurs milliers ont suivi le débat qui s’est déroulé en semi présentiel autour du thème: «L’océan et la mer : la vie et la survie post Covid».

Rym Benzina et Mehdi Ben Haj ont modéré cette discussion avec comme guest speakers, Lotfi Ben Maaoui, président du Centre stratégique pour la promotion du développement durable (CSPDD), Jamel Jrijer, directeur de WWF Afrique du Nord, Abdelmajid Dabbar, président de Tunisie Ecologie ; et Mounir Boulkout, Ceo de Selt Marine Group.

Lotfi Ben Maaoui a rappelé que l’Organisation des Nations Unies a mis en place une stratégie durable et fiable qui se doit d’être concrétisée d’ici 2030. «Il faut savoir que chaque pays dispose de ses propres avantages et a ses propres contraintes, d’où la nécessité de se mettre au diapason avec les indicateurs et les objectifs de développement durable (ODD)», a-t-il ajouté. Il poursuit son analyse en déclarant: «Sauver les océans n’est pas une mince affaire. Nous devons agir d’une manière collective car la sauvegarde de nos océans doit rester une priorité de plus pour la biodiversité marine et essentiellement la santé de l’Homme et celle de la planète».

Trouver des solutions à long terme pour la santé de la planète

Par ailleurs, M. Ben Maaoui est d’avis qu’il faut protéger efficacement les aires maritimes protégées (AMP) avec la mise en place de réglementation visant la réduction de la surpêche, la pollution marine, l’acidification des océans. À ce propos, il a ajouté : «La lutte contre le Covid ne doit pas entraver nos efforts de conservation et l’action en faveur de l’océan. Nous avons pour objectif de trouver des solutions à long terme pour la santé de notre planète, car notre santé en dépend».

En Tunisie, il est nécessaire qu’une direction gouvernementale chapote tout le travail des ODD et de l’agenda programmé jusqu’en 2030, et ce, en plus des efforts de la société civile et de son implication effective, a souligné M. Moaoui, avant de conclure : «En Tunisie, il y a plusieurs lois pour l’économie bleue durable, mais leur application est une autre paire de manche !», car, comme souvent en Tunisie, les lois existent sur le papier, mais les textes d’application manquent toujours, sans parler de la volonté politique souvent défaillante.

Pour sa part, Jamel Jrijer a rappelé que la Méditerranée ne représente que 1% de la surface des mers et des océans, mais qu’elle contribue à hauteur de 20% des économies maritimes. Il a également spécifié que nous avons, aujourd’hui, un développement de plus de 5000 km de côtes artificielles méditerranéennes (villes, ports, etc.) qui englobent l’arrivé de 500 millions de visiteurs. Cette mer souffre de toutes sortes de pollution, notamment d’origine terrestre. M. Jrijer a aussi affirmé que «le changement climatique, étant à l’origine de l’acidification de la mer, facilite l’invasion de nouvelles espèces telles que les crabes bleus». Il a conclu son intervention en déclarant que la crise du Covid nous a appris deux choses : la première est que toute crise commence toujours par un problème environnemental, car si on touche à l’équilibre naturel, on sera certainement affectés par la suite. La 2e leçon, selon M. Jrijer, est que lorsque toute activité s’est arrêtée lors du confinement, les seuls qui ont continué à travailler, à produire et à offrir une sécurité alimentaire, ce sont les locaux. «Tout ce dont on a besoin, c’est une meilleure gestion de notre mer».

Abdelmajid Dabbar a dans ce contexte rappelé que théoriquement, «on a l’équivalent d’une deuxième Tunisie en mer territoriale. Mais les méthodes liées à la pêche illégale sont hélas très destructrices et plus utilisées que jamais.» Le militant écologique a expliqué que 68% des embarcations marines de pêche sont concentrées sur le golfe de Gabès, soit le long de 320 km sur les 1300 km du littoral national. Il a affirmé : «Malheureusement, depuis la révolution, il y a une nouvelle donne : la destruction».

La pollution chimique «nous tue à feu doux»

M. Dabbar a affirmé qu’en 2018, et en collaboration avec des Canadiens et des Allemands, une étude portant sur le long de la côte de Chebba jusqu’à la frontière libyenne a conduit au recensement de quelques 459 embarcations qui travaillent d’une manière informelle. Ces embarcations utilisent un engin strictement interdit depuis 1994, à savoir la technique du «kiss», une sorte de grande chaîne qui racle les fonds marins et qui arrache les plantes de posidonie. Or ces plantes représentent le berceau de nombreux poissons. Il a ajouté qu’en Tunisie, on dispose d’une caractéristique rare, la marée haute et la marée basse, connue pour être très bénéfique pour les petits poissons, seulement, avec les «kiss» et le non-respect du repos biologique (90 jours), de très grande quantité de poissons sont retrouvés morts, sans compter la pollution chimique, notamment sur le golfe de Gabès, qui «nous tue à feu doux».

Par ailleurs, M. Dabbar a déploré l’usage des eaux de ballast, l’opération de vidange des réservoirs d’eau équipant certains navires, qui se produit souvent dans le port de Gabès. «Cette opération peut être à l’origine de problèmes écologiques en nous ramenant aussi bien des bactéries que des microbes et des larves de poissons. Il est à noter que les crabes bleus sont les plus dangereux car ils sont désormais partout, y compris dans les AMP comme Ichkeul, près de Bizerte», a dit le militant écologique. Et de conclure en disant que 84% de nos usines sont considérées polluantes puisque, et ce n’est un secret pour personne, les déchets sont directement déversés dans les cours d’eau et les oueds. «C’est terrible, je ne reconnais plus la Tunisie!», s’exclame-t-il.

Le dernier intervenant, Mounir Boulkout, a commencé par dire : «La crise sanitaire nous a prouvé notre fragilité et notre symbiose avec la nature et l’environnement». S’agissant de l’algoculture, son domaine d’activité depuis 26 ans, il a affirmé que cette activité représente le quart de l’aquaculture en général mais dont 99% a lieu en Asie, d’où le grand potentiel dont on dispose en Méditerranée. «Les macro-algues ne consomment pas d’eau douce, ni de fertilisant, ni de pesticide et récupèrent le CO2 pour produire de l’oxygène. 1 ha d’algues peut capter 15 à 20 tonnes de CO2 par an. De plus ces algues atténuent les vagues et ralentissent par conséquent l’érosion du littoral», a expliqué M. Boulkout.

Pourquoi pas des algues marines dans le couscous de demain?

Par ailleurs, a-t-il ajouté, on peut produire du bioplastique à partir d’algues, qui sont désormais une source essentielle de protéines et qui pourront entre autres être consommés dans la nouvelle gastronomie tunisienne. «Pourquoi pas des algues marines dans le couscous de demain, ou dans le riz djerbien?», s’est-il interrogé. Il s’agit, selon lui, d’habituer la nouvelle génération à de nouvelles pratiques culinaires. Par ailleurs, a-t-il poursuivi, les algues peuvent servir comme engrais dans l’agriculture; les algues désacidifient le milieu grâce à leur captage carbonique.

M. Boulkout a ajouté qu’actuellement on travaille avec l’industrie pharmaceutique sur l’utilisation des algues contre les virus à coque ARN et même à coque ADN, donc en mangeant certaines espèces d’algues, on a des réactions contre le Covid 19. Et de conclure : «L’OMS préconise l’utilisation d’algues rouges contre le Covid 19, c’est un potentiel énorme ».

Communiqué.

Donnez votre avis

Votre adresse email ne sera pas publique.