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Le poème du dimanche : ‘‘Le tombeau de la mère’’ de Czeslaw Milosz

Czesław Miłosz, né le 30 juin 1911 et mort le 14 août 2004, est un poète, romancier, essayistes et traducteur polonais. Considéré comme un des poètes majeurs du XXe siècle, prix Nobel de littérature en 1980, il est également l’auteur de ‘‘La pensée captive’’ publié en 1953 qui interroge la place des intellectuels au sein des régimes autoritaires.

Quand le Prix Nobel de littérature fut décerné à Czeslaw Milosz en 1980, il était depuis longtemps tenu par ses compatriotes pour le plus grand poète polonais vivant. Le lecteur de ses poèmes écrits au cours d’un demi-siècle en Lituanie, en Pologne, en France et aux États-Unis, découvrira une œuvre de portée universelle, témoignage vécu de notre temps. Dans un de ses poèmes, Milosz dit : «De la poésie, on obtient ce profit : elle nous rappelle qu’il est difficile de rester la même personne» (Ars Poetica?).

Ce poète s’exprime en effet en de multiples idiomes, il est habité par diverses voix : l’enfant et le sage, le poète et le prophète, l’homme de l’Est et l’homme de l’Ouest, l’être sensuel et amoureux de la vie et le lecteur de Pascal.

La culture plurielle et polyglotte de Miłosz et ses désillusions politiques se traduisent dans ses compositions qui mêlent méditations, pensées métaphysiques, philosophiques ou historiques et réflexions plus personnels. Sa pensée, qui s’incarne tantôt dans l’essai politique ou philosophique, tantôt dans la création poétique ou romanesque, accompagne et éclaire les grands tournants du devenir contemporain : conflits destructeurs et suicidaires, ivresse du totalitarisme, illusion de l’ère postcommuniste et postmoderne.

Le thème de l’exil et du déracinement trait caractéristique de la vie de Miłosz – Polonais né en Lituanie, expatrié en France puis en Californie – constitue l’un des fils directeurs de son œuvre. Mais c’est seulement en Amérique que Miłosz assumera sa condition d’exilé. Il dira en 1968 à la Conférence mondiale de la poésie à Montréal : «L’exil est le destin du poète d’aujourd’hui, qu’il soit dans son pays ou à l’étranger, car il est presque toujours arraché à ce petit univers familier des coutumes et des croyances qu’il avait connu dans son enfance. Pris en soi, l’exil n’a rien de bon ni de mauvais, les gestes romantiques ou pathétiques n’y seraient pour rien et ne conduiraient qu’au mensonge. Il faut tout simplement accepter l’exil et tout dépend de l’usage que l’on en fera»

I.

Un petit globe argenté se déplace et les planètes
Tournent sur une piste électronique
Autour du soleil de l’atome. Mais pour nous
Toujours un seul point sur la terre
Revient dans un rêve insensé
Lorsque les mannequins au cou de bois,
Sans tête, mènent la danse, ou que les chiens
Sautillent sur leurs pattes de bois sculpté.
Entre la mémoire qui inquiète
Car elle dit : le passé est invincible,
Et l’oubli qui est une offense
À nos conceptions de la bonté puissante,
Nous vivons chancelants, tandis que précipitamment
Comme des mouches dans la lumière de lampes perpétuelles
Un électron en croise un autre dans le vide.

II.

O qu’elle gronde en ces nuits d’automne
La mer à l’embouchure de la Vistule. Le tonnerre
Emplit la plaine étale sous les rangées de saules
Et le vent du nord peigne les herbes sèches.
Dans les broussailles halète et tombe par morceaux
Le verre des fenêtres brisées d’une église morte.
Lavés par les gouttes lourdes de la pluie
Des boucliers longs et massifs
Renvoient aux nuages des signes effacés
Tout près du lieu où s’unissent
La terre et les restes de celle qui m’a mis au monde.
La solitude éternelle, le cri des oiseaux migrateurs,
Et le souffle de la mer, sourd et incessant.

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