À moins d’un candidat de dernière minute sorti de nulle part et qui viendrait redistribuer les cartes, comme l’avait fait en 2017 l’actuel locataire de l’Élysée, il ne semble exister aucun autre aspirant potentiel sérieux à la présidence française en dehors d’Anne Hidalgo et d’Emmanuel Macron pour jouer la finale. Deux projets qui, quoiqu’on en dise, seront différents mais pas totalement éloignés l’un de l’autre.
Par Pr Mondher Azzouzi
Anne Hidalgo, actuelle maire de Paris, est officiellement candidate à la présidence de la république en France après avoir obtenu l’assurance d’être soutenue par la frange importante du Parti socialiste (PS). Cette composante du parti, qui garde de l’influence à gauche, a tourné le dos à Ségolène Royal, fortement vexée du refus de sa candidature, pensant probablement que son investiture était un fait qui ne se discutait pas tant il devait lui revenir de droit… presque en héritage.
A gauche, Hidalgo ratisse le plus large possible
Contestée lors de son précédent mandat à la tête de la Mairie de Paris, Anne Hidalgo a réussi à se faire réélire pour se succéder à elle-même à un poste qui équivaut à celui d’un Premier ministre. En effet, en France, il y a Paris puis les autres villes. Or depuis Jacques Chirac, la capitale vote à gauche et contraste avec le reste du pays. Elle en impose car l’establishment et le centre décisionnel névralgique du pays demeurent toujours à Paris et nulle part ailleurs.
Dans son discours d’annonce de sa candidature à la magistrature suprême, Hidalgo a repris des thèmes chers à la gauche pouvant lui rallier la gauche modérée, les nostalgiques, les radicaux, la gauche déçue par Macron, les écolos acculés surtout à un éventuel report de voix au second tour, voire même une partie de ce qui reste des communistes et qui se raccrochent tel un noyé à une petite branche d’arbre.
Son programme, Hidalgo l’annoncera plus tard non pas en fonction de ses convictions propres mais en opérant un consensus à même de satisfaire les différents courants politiques déjà cités et afin de ratisser le plus large possible.
Macron capitalise sur sa spectaculaire remontada
En face, et à tout seigneur tout honneur, il y a le président en exercice, Emmanuel Macron. Le président sortant part avec tous les avantages que ce statut comporte mais aussi avec les critiques suscitées par son règne également contesté. Sous son premier mandat, les choses ont en effet été très laborieuses mais, au final, tout n’a pas été si mauvais. L’économie redémarre avec un excellent taux de croissance de 6% ces derniers mois. Le chômage recule alors que l’emploi reprend au même titre que les investissements et ce contrairement à toutes les prévisions antérieures rendues davantage pessimistes en raison du Covid. Une crise sanitaire qui divise mais que le président de la république, en chef d’état-major, avait affrontée, en prenant quasiment seul les décisions et en arbitrant les délibérations de spécialistes et les débats de scientifiques. On peut lui reprocher, dans ce contexte, les atermoiements, le retard de mise en place des mesures de précaution (le risque ayant été dissimulé au début de la pandémie, ce qui vaut un procès pénal à son ancienne ministre de la Santé), et enfin la gestion de la campagne de vaccination et l’exigence antidémocratique du fameux pass sanitaire exploitée à fond par ses adversaires dont les Gilets jaunes auxquels il a su, au final, faire face.
Bien que le risque d’un embrasement civil planait sérieusement sur la France à un moment donné, le président sortant a su quoiqu’on dise contenir l’immense grogne sociale, qui a défrayé la chronique à travers le monde et qui se poursuit encore mais à un degré moindre. Qu’aurait fait de mieux ou de plus n’importe quel autre homme politique qui se serait trouvé à sa place ?
La finale commence à se dessiner
Nous voilà donc face à un débat de fond entre deux contradicteurs que tout oppose mais qui, contrairement à tous les autres candidats qui hésitent encore entre la décision d’y aller carrément ou de jeter l’éponge, faute de consensus suffisant autour de leur candidature voire en raison d’un déficit d’envergure, le costume étant trop large pour leurs épaules, ont fini par trouver leurs marques.
Le débat entre Macron et Hidalgo ne se limite pas à un seul sujet. Celui récurrent en rapport avec l’insécurité, l’immigration, la langue arabe, l’islam ou l’islamisme, le péril qui planerait sur une France frileuse et qui continue d’agiter le spectre de la peur que lui inspireraient des Français d’origine étrangère, éternels poils à gratter, utilisés pour diviser au lieu de rassembler. Or, cette volonté de rassembler est censée être la principale marque dont doit se prévaloir tout candidat à la présidence de la république. Mais ce n’est pas toujours le cas et il n’est pas besoin de citer des noms, tout le monde connaît tout le monde…
Il reste, bien sûr, l’énigme de la droite qui a atteint un seuil dramatique de division. À ce jour, aucune personnalité ne se démarque, alors que les divisions risquent de provoquer des clivages irrémédiables avec une dispersion des voix ajoutée au grignotage de points par les candidats d’extrême-droite. Celle qui n’a d’extrême que les rancunes et les querelles d’ego voire les déchirements aussi bien politiques que familiaux. N’est-ce pas Marine ?
À moins d’un candidat de dernière minute sorti de nulle part, il ne semble exister aucun autre aspirant potentiel sérieux en dehors d’Anne Hidalgo et d’Emmanuel Macron pour jouer la finale. Deux projets qui, quoiqu’on en dise, seront différents mais pas totalement éloignés l’un de l’autre. A moins que, pour se recentrer, Macron ne se décide à changer de cap pour dissiper une image de «président des riches» voire des «très riches» qu’il a réussi à se faire coller. Quant à Hidalgo, elle doit réconcilier la gauche classique et nostalgique avec la réalité des marchés et des lobbys financiers. Ce qu’en son temps, François Mitterrand avait fait, par realpolitik.
* Cardiologue, Lyon.
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