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La Tunisie face au casse-tête de la hausse du prix du pétrole

Les cours du pétrole sur le marché international ont poursuivi leur ascension face au risque d’une invasion de l’Ukraine par la Russie, qui entraînerait des sanctions économiques contre Moscou et perturberait les approvisionnements mondiaux en pétrole et en gaz. Cela ne restera pas sans graves conséquences sur l’économie tunisienne, notre pays, dont le déficit énergétique continue de se cruser, doit en effet importer plus de la moitié de ses besoins en la matière, alors que ses finances publiques sont dans un piteux état, et le terme n’est pas exagéré.

Par Amine Ben Gamra *

C’est la première fois depuis plus de 7 ans (et plus précisément depuis septembre 2014) que le brut léger américain s’échange au-dessus des 95$ le baril. De très nombreux stratégistes estiment que les cours du pétrole franchiront les 100$ dans les prochaines semaines, même sans conflit armé en Ukraine, compte-tenu de la reprise économique mondiale post-Covid, et des difficultés de production de plusieurs pays producteurs de pétrole.

Dans une économie tunisienne très mal en point, la capacité d’absorber un pareil choc pétrolier est très limitée, même s’il s’agira en définitive d’un choc de faible ampleur. Ceci est d’autant plus vrai que le budget de l’Etat pour l’année 2022 a été élaboré sur la base d’un prix de référence du baril de pétrole (Brent) de 75 dollars et qu’une augmentation d’un dollar du prix du baril de pétrole représente un surcoût de 142 millions de dinars tunisiens (MDT) pour le budget de l’Etat.

Nouvelles pressions sur le budget de l’Etat

L’augmentation des prix du pétrole va ajouter de nouvelles pressions sur le budget du pays, rendant la résolution du problème des subventions à l’énergie plus urgente que jamais.

Par ailleurs, la solution de ce problème à moyen et long termes réside dans le développement des énergies renouvelables, qui réduira la dépendance aux combustibles fossiles importés et renforcera la sécurité énergétique. Mais cela, on ne cesse de le dire et de le répéter depuis deux decennies, sans pour autant avancer dans la stratégie nationale de développement des énergies renouvelables. Et sans consentir d’y mettre les investissements nécessaires dans ce secteur où la Tunisie, de par sa géographie, dispose d’importants atouts insuffisamment exploités.

Ainsi mis dos au mur par un choc pétrolier et gazier qui aurait pu – et dû – être anticipé, on doit aujourd’hui chercher à accroître les investissements dans les énergies renouvelables (solaire photovoltaïque, éolienne… ) dans le cadre d’une stratégie de diversification du bouquet énergétique, jusque-là dominé par la Société tunisienne d’électricité et de gaz (Steg) qui assure 90% de la capacité nationale de production d’électricité et dont les équilibres financiers sont loin d’être au beau fixe pour permettre des investissements de grande envergure.

Petits projets énergétiques deviendront grands

Les solutions existent et certains pays voisins confrontés au même problème du déficit énergétique, tel le Maroc, y ont recouru, mais il manque encore en Tunisie une réelle volonté politique pour avancer plus fermement sur cette voie futuriste, et notamment en donnant la chance aux jeunes des régions intérieures du pays de se lancer dans des petits projets énergétiques, dont l’addition pourrait soulager, à terme, la facture énergétique nationale.

Il faut profiter de la prise de conscience induite par le choc énergétique actuel pour développer en urgence, à l’intérieur du pays, des structures dédiées uniquement aux jeunes qui veulent produire l’électricité à partir des énergies renouvelables pour ensuite la vendre à la Steg. Ceci leur permettra d’acquérir une certaine autonomie financière et servira à l’Etat comme un moyen pour combattre le chômage dans ces régions.

Nous avons aussi des gisements en mer que nous devons exploiter et avoir le courage de développer, même s’ils s’agit de projets extrêmement coûteux. Une congugaison des efforts des entreprises publiques et privées dans le cadre d’un parteneuriat renouvelé pourrait y aider.

* Expert-comptable, commissaire aux comptes, membre de l’Ordre des experts-comptables de Tunisie.

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