Suite au naufrage, samedi 16 avril 2022, du navire Xelo, transportant 750 tonnes de carburants, au large de Gabès, menaçant de marée noire le littoral sud-est de la Tunisie, nous publions ci-dessous, des extraits d’une thèse de doctorat sur «La pollution de la mer Méditerranée par les hydrocarbures liée au trafic maritime», soutenue par le chercheur syrien Mohamad Albakjaji à l’Université Paris-Est, en 2010. Nous espérons que ces éclairages aideront les lecteurs à comprendre la problématique que cet accident maritime pose.
Le développement des activités humaines est devenu aujourd’hui une menace pour l’environnement marin qui subit depuis plusieurs décennies des agressions majeures. Toutefois, la plus symbolique, la plus ancienne et la plus médiatisée des pollutions marines reste sans conteste, pour l’opinion publique, la pollution par hydrocarbures
Le trafic maritime, principale cause de pollution pétrolière des mers
Le trafic maritime est l’une des principales causes de pollutions pétrolières des mers. Un tiers des déversements d’hydrocarbures dans les océans et les mers proviennent du transport maritime.
Concernant le transport pétrolier, dès la découverte du pétrole au XIXe siècle, des navires à voile l’ont transporté, principalement entre l’Amérique et l’Europe dans des barriques (d’où le nom de barrel). Mais après la découverte de pétrole au Moyen-Orient, la demande a cru et le pétrole est devenu un élément essentiel pour l’industrie et l’énergie. Le transport du pétrole est donc devenu un besoin nécessaire.
Le transport pétrolier est le premier segment du secteur du transport maritime de marchandises en terme de volume d’échange. Il représente 40% du trafic maritime mondial. Aujourd’hui, plus de 60% du transport mondial de brut est assuré par la mer.
Les pétroliers et les navires citernes spécialisés sont devenus, à partir de la seconde moitié du XXème siècle, un outil stratégique pour transporter le pétrole brut et les produits raffinés (essence, gasoil…).
Mais le transport maritime, surtout le transport des hydrocarbures, ne peut pas se concevoir sans l’intervention de risques de pollution pétrolière, qui très dangereuse sur le milieu marin, puisqu’elle perturbe l’équilibre environnemental de la mer, comme la vie des poissons et les autres êtres vivants, les plages et les établissements récréatifs et économiques.
La cause la plus visible de la croissance de la pollution pétrolière du milieu marin est la croissance et le développement des opérations du transport de pétrole á travers les mers. Près de 8 000 navires pétroliers sillonnent les mers et les océans transportant cette énergie liquide des lieux de production vers ceux de consommation. La capacité de la flotte pétrolière mondiale est d’environ 280 millions de tonnes.
Mais la pollution pétrolière peut également provenir de tous les navires. Alors que pour le trafic pétrolier, il s’agit essentiellement de pollution accidentelle, pour les autres trafics, il s’agira de pollution opérationnelle.
Concernant la pollution accidentelle, les noms de l’Amoco Cadiz, de l’Exxon Valdez, du Torrey Canyon, de l’Erika et du Prestige sont des accidents majeurs qui ont entraîné d’importantes pollutions maritimes.
Cadre réglementaire pour la gestion de la pollution pétrolière des mers
La dangerosité de pollution pétrolière provenant des navires a généré un réflexe au niveau international pour la répression et la prévention de ce type de pollution.
En 1954 la communauté internationale a adopté la convention internationale pour la prévention de la pollution des eaux de mer par les hydrocarbures, aussi appelée convention OilPol. C’est la première convention internationale qui réglemente la pollution par hydrocarbures.
La catastrophe du Torrey Canyon le 18 mars 1967 au large des côtes britanniques a révélé la carence du régime international dans le secteur de la prévention ou la réparation des dommages dus à la pollution maritime. Pour cette raison, plusieurs conventions internationales ont été adoptées pour la responsabilité et la réparation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (les conventions de 1969, la convention de 1992, et les fonds internationaux d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures Fipols).
En raison de l’insuffisance de la convention de Londres en 1954, la convention de Marpol a été adoptée en 1973, et le naufrage de l’Amoco Cadiz au large des côtes du Finistère en France en 1978 a accéléré la procédure d’introduction de la convention Marpol.
Après les naufrages du pétrolier Erika en 1999 et celui du Prestige, l’Union européenne a adopté une série des réglementations pour renforcer le régime juridique européen.
25% du trafic maritime mondial d’hydrocarbures traverse la Méditerranée
Historiquement, la mer Méditerranée est une route très importante du transport et du commerce entre les civilisations anciennes. Actuellement, cette mer fermée est la route principale du transport maritime en fonction de son importance géographique (un centre des trois continents du monde, Asie, Afrique, Europe). Pour cela le trafic maritime dans cette mer est dense, et menace cet espace vulnérable.
Bien que la Méditerranée ne représente qu’à peine 0,7% des surfaces océanes dans le monde, la densité du trafic maritime y est très importante. Ainsi, 30% du volume du commerce maritime a pour origine ou but un port de la Méditerranée ou la traverse. Le trafic maritime d’hydrocarbure en Méditerranée représente entre 20% et 25% du trafic mondial pour ce type de produit.
En effet, par sa position géographique, la Méditerranée accueille les pétroliers en provenance du Golfe par le canal de Suez, ceux en provenance de la mer Noire par le détroit des Dardanelles, le détroit de Gibraltar constitue la porte de sortie de ces bateaux.
Au-delà du transport même d’hydrocarbures, la pollution par hydrocarbure est liée au trafic maritime lui-même par la pollution opérationnelle des navires (pollution liée à l’exploitation courante des bateaux), ainsi que par les accidents.
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