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FMI : la Tunisie, ruinée, n’est plus ce qu’elle était !

L’auteur, Moktar Lamari, et Samir Trabelsi, économistes Tunisiens en Amérique du Nord, présents aux Sping Meetings.

Ici, à Washington DC, et dans les couloirs des Spring Meetings du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale (18-24 avril 2022), la délégation officielle de la Tunisie rase les murs, discrète et cachotière : circulez, il n’y a rien a dire! Rien de bon pour rayonner, rien pour convaincre et absolument rien pour décrocher un accord avec le FMI. La délégation a fait tout ce qu’il ne fallait pas faire…

Par Moktar Lamari (de Washington D.-C., Spring Meetings IMF & WB)

Plusieurs universitaires tunisiens affiliés à des universités nord-américaines n’en reviennent pas! Le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT) et représentant officiel de la Tunisie au FMI est totalement ignoré, tenu à l’écart des grands débats publics, forums et rencontres portant sur les enjeux et les attentes des pays à l’égard du FMI.

Qu’est-ce qui arrive à la Tunisie ?

Les délégations internationales et notamment celles des pays influents ont été froides et distantes avec lui : il n’a pas publié, et il est un epsilon parmi le millier d’économistes dans les couloirs du FMI. Sa trajectoire n’a rien d’universitaire ayant un facteur d’impact (publications à la clef), avec seul fait d’arme, il a été professionnel au sein de la Banque mondiale chargé de la collecte de données en Libye pendant la guerre civile dans ce pays.

Gouverneur de la Banque centrale depuis 2016, il n’a eu que des mauvaises de la part les agences de rating. Il a cru qu’en augmentant le taux d’intérêt directeur, son job sera fait. Sa plus récente note de C- (Banker rating) l’a disqualifié, l’a rendu infréquentable, imprésentable et insoutenable…

Plusieurs observateurs et membres des délégations internationales ici à Washington. pensent que l’échec communicationnel de la délégation tunisienne est imputable à Marouane Abassi, un gouverneur qui n’a pas l’étoffe scientifique, pas la fibre patriotique, ni la légitimité éthique, pour convaincre, alors même qu’ici à Washington, médias, officiels et scientifiques ne comprennent pas ce qui arrive en Tunisie, ou ce qui arrive à la Tunisie du Printemps arabe. Et ils me posaient des questions incroyables, et à chaque fois je suis obligé de préciser que je suis universitaire tunisien basé au Canada, mais pas délégué officiel de la Tunisie.

Lors des rencontres et panels médiatisés, le FMI a donné la parole aux gouverneurs des banques centrales qui ont d’excellentes notes dans le ranking de Banker.com.

Le gouverneur de la BCT à été précédé par sa mauvaise note et sa mauvaise performance, depuis sa nomination par un parlement dominé par les islamistes en 2016.

Sur un autre plan, ici à Washington, la diaspora tunisienne compte de nombreuses célébrités et expertises respectées par le FMI, et les pays décisifs au sein du G20, entre autres.

Ici, la diaspora tunisienne respecte son doyen qui a passé 35 ans au sein du FMI. Un économiste méritant et qui est connu et respecté par plusieurs délégations et pays du G20. Mais tous, universitaires, experts et intellectuels déplorent l’attitude et l’approche de la délégation tunisienne aux Rencontres du printemps 2022.

Une bonne réputation fondue comme neige au soleil

Pour les intellectuels universitaires, américains et européens, le désarroi est encore plus frappant. Ils ont encore en mémoire la Tunisie de toujours, qui innove, cet Etat lilliputien moderne et ami motivé par le savoir, par l’égalité de genre, le pays d’Ibn Khaldoun… pays vert et grenier de Rome…

Le préjugé favorable à l’égard de la Tunisie a fondu comme neige au soleil. on ne comprend pas comment les Tunisiens ont-ils choisi leurs leaders. La dissolution du parlement, le retard des élections, la recomposition des institutions…

Un habitué du FMI me dit, sur le ton de la confidentialité, que la Tunisie a délégué des personnes qui ne maîtrisent pas les enjeux et les chiffres et qui sont incapables de proposer des mesures économiques dans l’air du temps.

Il ajoute qu’il fut un temps où le chef de délégation pour les discussions et rencontres au FMI était un leader, un chercheur qui maîtrise sur les bouts des doigts les concepts économiques. Aujourd’hui, me dit-il, la délégation ne parle même pas un anglais correct, pour comprendre les enjeux et pouvoir répondre aux questions.

Plusieurs observateurs au sein des délégations se désolent de cette sélection adverse et de l’état lamentable des compétences en économie politique des membres de la délégation.

Où est passée la Tunisie de Nouira, Baccar et Nabli ?

Un retraité qui avait passé 35 ans au sein du fonds nous interpelle pour nous dire que la Tunisie a été, à un certain moment, un pays prêteur… créditeur pour contribuer au financement du FMI, tellement le pays était exemplaire et avant-gardiste dans ses interactions dans les couloirs du FMI, active dans tous les comités, dans tous les rouages de la prise de décision. Il ajoute : ironie de l’histoire, la Tunisie a contribué directement à un financement du FMI, justement destiné à l’Ukraine, au début des années 2000. Car, à l’époque, la Tunisie réglait ses prêts avec le FMI, avant échéance…

La mémoire organisationnelle du FMI n’a pas oublié, ici, des hommes de grosse pointure comme Hedi Nouira, Taoufik Baccar, Mustapha Kamel Nabli…

* Universitaire au Canada.

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