Les entreprises tunisiennes face à la crise

La Tunisie est entrée dans une phase critique où d’importantes décisions doivent être prises sur le plan socio-économique. Mais il ne faut pas paniquer. Ensemble, on est capable de surmonter cette crise. Notre destin est entre nos mains et seuls l’audace et le sens du sacrifice pourraient nous sauver de l’abime économique et financier qui est en train de s’ouvrir sous nos pieds.

Par Amine Ben Gamra *

La situation économique et financière actuelle de notre pays est très délicate. L’inflation a confirmé sa tendance haussière en atteignant 7,5%, au mois d’avril 2022, contre 7% en février et 6,7% en janvier, selon les chiffres officiels publiés par l’Institut national de la statistique (INS), alors que les chiffres réels sont de loin plus catastrophiques.

Le cercle vicieux de l’inflation et de la cherté de la vie

Les ménages tunisiens voient donc leur pouvoir d’achat se réduire comme peau de chagrin, tout en continuant d’être rogné par des vagues sévères de hausses des prix, qui ont affecté aussi bien le pouvoir d’achat que la consommation, l’épargne et l’investissement.

Les chaînes mondiales d’approvisionnement étant déjà en surchauffe, en raison de la hausse des prix de l’énergie et du transport, cette situation a conduit à des pénuries de matières premières, alors que la hausse de la demande risque faire encore grimper les prix.

Le cercle vicieux de l’inflation croissante, affaiblissant un dinar tunisien ayant déjà perdu plus de 40% de sa valeur en dix ans, a un impact sur le niveau de la dette, qui ne cesse d’augmenter lui aussi, hypothéquant les capacités de remboursement du pays. Et pour cause : le taux de change de dinar tunisien s’est fortement déprécié, à la date du 9 mai 2022, par rapport au dollar, avec 3,1029 dinars le 1 dollar alors que la monnaie américaine valait, à la même date de l’année dernière, 2,7618 dinars.

Autre impact négatif : les importations, qui sont payés en devises fortes, sont devenues plus chères, provoquant ainsi une sortie accrue de devises contre une faible entrée de monnaies étrangères, les exportations n’évoluant pas au même rythme soutenu.

L’absence d’action rapide pour faire face à ces évolutions négatives accentuerait la pression sur les entreprises, car la combinaison de taux d’intérêt élevés, d’une faible croissance, d’un taux de change élevé et d’une dette croissante est de plus en plus insoutenable.

Face à cette situation, les entreprises doivent se focaliser sur la transparence et l’adoption de rapports quotidiens de surveillance des risques afin de suivre surtout les tensions de liquidité, de change, de solvabilité et surtout de défaut de paiement. C’est pourquoi, il devient, aujourd’hui, crucial et urgent de faire une cartographie des risques et un scénario de stress test.

Pour optimiser la gestion des entreprises, il convient donc de mettre en place des outils de pilotage, tout en réalisant un audit interne permettant d’évaluer leurs performances au quotidien.

Anticiper le rendement pour optimiser le fonctionnement

Il devient donc très important d’anticiper le rendement de l’entreprise pour optimiser son fonctionnement et gagner en performance. En identifiant les postes les plus coûteux ou ceux qu’il est possible de réorganiser pour perdre moins d’argent, en limitant les retards dans la réalisation des missions, en anticipant les retombées des différentes actions menées, l’entreprise maîtrise mieux ses coûts et augmente sa rentabilité, même si elle n’augmente pas son chiffre d’affaires.

Un plan de continuité d’activité est également primordial pour assurer la continuité des processus opérationnels clefs, établir une stratégie de communication efficace pour maintenir la confiance sur les plans interne et externe et actualiser les projections financières selon le scénario «délinquance en augmentation».

Il faut aussi procéder à la conservation et au renforcement du capital pour faire face à une perte potentiellement importante.

La Tunisie est ainsi entrée dans une phase critique où d’importantes décisions doivent être prises sur le plan socio-économique. Mais il ne faut pas paniquer. Ensemble, on est capable de surmonter cette crise. Notre destin est entre nos mains et seuls l’audace et le sens du sacrifice nous sauveraient tous de l’abime économique et financier qui est en train de s’ouvrir sous nos pieds.

* Expert comptable, commissaire aux comptes, membre de l’Ordre des experts comptable de Tunisie.

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