Ukraine-Russie : Y a-t-il des limites à l’élargissement de l’Otan ?

L’expansion de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan) est-elle préoccupante? Pourrait-elle déboucher sur une troisième guerre mondiale nucléaire dévastatrice? C’est ce que le monde doit se demander aujourd’hui, d’autant que la guerre russo-ukrainienne actuellement en cours a été déclenchée par une demande officielle de l’Ukraine d’adhérer à cette organisation militaire internationale née dans le contexte de la guerre froide pour faire face au bloc communiste.

Par Habib Glenza

Créée en 1949 par le monde dit libre pour se défendre contre l’ex-Union soviétique (URSS) et les pays du Traité de Varsovie, signé en 1955, l’Alliance s’est efforcée d’accepter dans ses rangs le plus grand nombre possible d’États pour mettre une barrière militaire fiable à la prolifération de l’influence du bloc communiste.

La base de l’existence de l’Alliance est son traité, dont le cinquième article est le plus important. Il stipule ceci «Les parties conviennent qu’une attaque armée contre l’une ou plusieurs d’entre elles, survenant en Europe ou en Amérique du Nord, sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence, elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d’elles, dans l’exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l’article 51 de la Charte des Nations unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l’Atlantique-Nord».

Selon la doctrine officielle de l’Otan, cette alliance est donc défensive!

Dysfonctionnements de l’Otan

Sur le papier, tout le monde est égal. En réalité, les États-Unis paient non seulement 75% du budget militaire de l’Otan, mais fournissent également 75% de sa force militaire. La contribution des autres pays membres, en particulier ceux de l’Europe de l’est qui sont entrés dans l’Alliance après l’effondrement de l’URSS, est extrêmement faible. Cette situation permet aux États-Unis de dicter leurs conditions aux autres États membres. En fait, l’Amérique a fait de l’Otan un instrument pour atteindre ses objectifs géopolitiques. Un grand nombre d’États membres doivent en théorie assurer une protection fiable, mais la question est de savoir comment les armées de trente États interagiront les unes avec les autres dans le cas de véritables combats. Dans ce cas, la force du nombre peut devenir une faiblesse, en raison de la confusion qui pourrait se produire du fait de la multiplicité de langues parlées par les pays de l’Otan, des difficultés logistiques et de l’imparfaite compatibilité opérationnelle des armées des différents États. Quel que soit le nombre d’exercices conjoints effectués, ils ne seront jamais en mesure d’assurer la synchronisation complète de toutes les armées de membres de l’Otan comme il serait possible de le faire au sein d’une armée nationale.

Cependant, l’Otan pose un sérieux doute quant à la volonté de ses membres de se défendre mutuellement. Quelqu’un peut-il garantir que la Turquie, par exemple, en cas de conflit grave, protégera la Grèce et vice versa? Et l’Islande protégera-t-elle la Bulgarie? C’est aussi une question importante.

En outre, les capacités militaires de nombreux pays de l’Otan sont si faibles qu’ils n’ont pas la possibilité d’aider qui que ce soit en dehors de leurs frontières. Par conséquent, la plupart des pays comptent probablement sur l’aide des États-Unis et d’autres alliés relativement forts tels que la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne. En général, l’Otan renvoie une image assez contradictoire : d’un côté ses pays membres sont nombreux, et d’un autre côté, il n’y pas de garantie que ces pays sont capables de se défendre.

La raison d’être de l’Otan au 21e siècle

l’Otan a été créée pour contrer l’URSS et le Bloc de Varsovie. Cependant, l’URSS s’est désintégrée, mais l’Otan continue d’exister. De plus, elle poursuit son expansion. Si l’on regarde attentivement la puissance militaire combinée de tous les pays de l’Otan, on découvre que du point de vue quantitatif, l’image est impressionnante : 3,3 millions de soldats, 15 000 avions, des dizaines de milliers de chars et de véhicules blindés… Et tout cela contre qui?

De toute évidence, avec la désintégration de l’URSS, l’Otan a perdu un adversaire sérieux et n’a pu trouver immédiatement un autre pour justifier son existence et continuer son expansion. En effet, l’alliance existait par inertie.

Après l’attentat terroriste du 11 septembre 2001, à New York, dont les raisons ne sont pas encore clairs, c’est le terrorisme qui a été déclaré la principale menace pour l’Otan.

Cependant, une telle puissance de l’Otan est-elle vraiment nécessaire pour lutter contre les groupes terroristes situés dans les montagnes de l’Afghanistan ou qui courent dans les déserts de la Syrie et de l’Irak?

En outre, comment l’adhésion du Monténégro et de la République de Macédoine du Nord, avec leurs armées microscopiques, peut-elle aider à renforcer le potentiel de défense de l’Otan en général et en particulier dans la lutte contre le terrorisme? Par ailleurs, on se demande qui sont ces terroristes, qui les finance et leur fournit des armes? Ont-ils réellement un lien avec ceux qui ont détruit le World Trade Center? Comment peut-on expliquer qu’un pays comme les Etats-Unis, qui dispose de moyens militaires sophistiqués et de la meilleure agence de renseignements au monde, n’ont-ils pas pu venir à bout d’une poignée de terroristes.

Il est évident que les mesures prises pour que d’autres pays rejoignent cette organisation sont un geste purement politique qui n’a pas de sens militaire fondamental. Cependant, si c’est un geste politique, contre qui est-il orienté? Les événements qui se sont déroulés récemment donnent l’occasion de répondre à cette question.

Face aux événements politiques nombreux et parfois inquiétants qui se déroulent dans le monde, comme la crise au Venezuela, la montée constante des tensions dans les relations russo-américaines, l’aggravation des tensions entre l’Inde et le Pakistan…, que peut faire l’Otan ?

L’Ukraine pour contrer l’axe russo-chinois

Si l’on suppose qu’une entité attaque un pays de l’Otan, il sera beaucoup plus facile, en raison de normes militaires uniformes, de mener des opérations militaires pour les pays de l’Otan. L’unification des normes militaires, en plus, améliore la disponibilité opérationnelle, la mobilité des troupes et la logistique. En outre, les exercices militaires continus menés dans le cadre de l’organisation aident à maintenir les troupes des pays membres en état d’alerte relativement élevée.

Globalement, pour l’Alliance, la situation s’est améliorée en 2014, après le début du conflit avec la Russie. La guerre civile en Ukraine ont conduit les pays de l’Otan à parler de la menace constituée par la Russie. Ces événements ont insufflé une nouvelle vie à l’existence de l’organisation.

En outre, dans le même contexte, il devient clair que l’adhésion à l’Otan de petits pays situés à proximité des frontières de la Russie (même sans parler des tentatives, jusque-là avortées, d’adhésion émanant de l’Ukraine et la Géorgie) est importante : ces pays pourraient jouer le rôle de zone tampon dans les plans de l’Otan vis-à-vis la Russie. Le fait que l’Otan et la Russie ne s’aiment guère – ce n’est un secret pour personne – permet d’expliquer l’expansion de l’Otan vers l’est. Mais quelles sont les limites de cette expansion?

En paraphrasant Vladimir Poutine, qui a dit une fois que «les frontières de la Russie ne se terminent nulle part», on peut affirmer avec confiance que tant que l’Otan cherche à justifier son existence et tant qu’existe un ennemi «potentiel» ou «fictif» – la Russie en l’occurrence –, l’organisation continuera de s’élargir par tous les moyens. Il ne s’agit pas de la puissance militaire des États acceptés. Il est davantage question que les États-Unis acquièrent l’influence politique sur les nouveaux pays membres, tout en créant l’illusion d’une sécurité totale.

La Russie a évidemment des raisons de s’inquiéter. À l’époque de Gorbatchev, elle a déjà été trompée par une promesse de Ronald Reagan selon laquelle l’Otan ne serait pas élargie à l’est au-delà de l’Allemagne de l’est. Croire aux promesses des dirigeants de l’Alliance que l’Otan n’est pas orientée contre la Russie rappelle cette tromperie.

Dans un avenir proche, l’Otan continuera de s’élargir. La Russie résistera à ce processus. Malgré cela, il semble que nous n’ayons pas encore assisté à la fin de l’expansion de l’Alliance vers l’est.

Cependant, l’Otan aura à faire à un redoutable adversaire, qui commence à prendre forme aujourd’hui, l’axe Russie-Chine et leurs alliés. Le monde retrouverait-il ainsi un meilleur équilibre des forces ou se retrouverait-il face à un désastre collectif.

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