Les préparatifs pour la tenue du référendum sur les réformes politiques, élément important du projet politique du président de la république Kaïs Saïed et dont la date à été fixé au 25 juillet 2022, un an jour pour jour après le gel du parlement, la destitution du gouvernement et la proclamation des «mesures exceptionnelles», avancent-elles au rythme et selon les critères de transparence et de crédibilité requis pour un rendez-vous très contesté par l’opposition ?
Par Imed Bahri
La réponse à cette question n’est pas aisée. Car si pour M. Saïed et ses partisans tout va avoir lieu dans les délais fixés et selon les normes exigés par une consultation aussi importante pour l’avenir du pays, ceux qui s’opposent à ce référendum et mettent en doute sa crédibilité et sa transparence y voient déjà une tentative du chef de l’Etat d’opérer un passage en force et d’imposer son projet politique personnel, en faisant fi des exigences de concertation préalable exprimées par toutes les forces vives du pays, à commencer par les partis politiques tenus jusque-là à l’écart de tout ce processus et qui, on l’imagine, n’entendent pas se laisser faire.
Bisbilles à l’Isie
Au niveau de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), chargée d’organiser ce rendez-vous et dont la composition vient d’être revue et corrigée par le président Saïed, les choses ne sont pas aussi évidente qu’on le dit et le répète : tout reste à faire, à commencer par la fixation d’un calendrier raisonnable; or le temps presse et rien n’est vraiment encore clair.
Les dernières réunions du conseil de l’Isie, qui ont été diffusées sur la page Facebook de l’instance, laissent chez les citoyens une désagréable impression de cafouillage, de divergences de fond voire de profondes divisions qui pourraient, à quelques semaines du fatidique rendez-vous, déboucher sur des blocages, des clashs voire des démissions, ce qui ne manquera pas de porter une ombre lourde sur tout le processus.
Outre la révision des listes électorales, le calendrier et les moyens humains, financiers et techniques qui seront mis à la disposition de l’Isie, les divergences actuelles entre ses membres portent essentiellement sur le rôle que jouera l’administration dans ses travaux à venir. Et pour cause, ce mastodonte représenté par un inamovible secrétaire général, bras long du pouvoir exécutif et son œil de Moscou, a toujours joué un rôle central dans les processus électoraux avant et après 2011 et il ne semble pas prêt à lâcher du lest. Et dans le contexte de la crise politique actuelle où toute initiative du président Saïed est interprétée comme une volonté d’imposer son diktat à ses adversaires politiques, ce genre de situation pourrait aboutir à de graves remises en question de la transparence et de la crédibilité de tout le processus.
Les «meilleures conditions» seront-elles réunies?
Aussi, en rencontrant, hier, mercredi 18 mai, à Carthage, le nouveau président de l’Isie Farouk Bouasker, nommé par ses soins, pour discuter des préparatifs du prochain référendum, le président Kais Saied n’a pas aidé à dissiper ce malentendu, d’autant que le communiqué officiel de la présidence de la république a indiqué que les deux partis ont abordé les «difficultés à surmonter pour que le peuple tunisien souverain puisse exprimer sa volonté», en précisant que le chef de l’Etat «mettra tout en œuvre pour organiser le référendum du 25 juillet dans les meilleures conditions». Pour ce qui est des difficultés, nous sommes déjà informés, mais que fera exactement le président pour que le référendum soit organisé dans les meilleures conditions?
De là à ouvrir la boîte de Pandore des doutes, des suspicions et des accusations, il y a un pas que le chef de l’Etat, qui accapare aujourd’hui tous les pouvoirs, législatif, exécutif et même judiciaire, puisqu’il peut à tout moment actionner le levier du ministère public, se serait bien gardé de faire, en essayant de se tenir scrupuleusement à l’écart de tout le processus, sachant qu’il joue personnellement sa propre crédibilité sur l’issue d’un référendum où le taux de participation sera très faible, selon les prévisions de tous les experts.
Des membres de l’Isie ont même «osé» mettre en question la date de cette consultation populaire, soit le 25 juillet, qui a été choisie (et imposée ?) par le président de la république, parce qu’elle coïncide avec la célébration de la fête de la république : en cette période de l’année, beaucoup de Tunisiens sont généralement en vacances, souvent même en déplacement, et ne seraient pas suffisamment mobilisés pour participer à une consultation populaire dont certains d’entre eux ne voient même pas l’utilité.
Sur un autre plan, l’Isie disposera-t-elle de l’aide financière des partenaires occidentaux de la Tunisie (Etats-Unis, Union européenne) qui lui ont permis d’organiser les précédentes consultations électorales? Qu’on nous permette d’en douter, d’autant qu’à Washington, où on a exprimé des réserves vis-à-vis du processus engagé par M. Saïed, y voyant une tentative pour revenir sur les acquis démocratiques de la Tunisie, on menace de réduire l’aide financière à notre pays, et notamment celle accordée habituellement à l’Isie.
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