Le 22 mai de chaque année est célébrée la journée mondiale de la biodiversité. En Tunisie, cette journée est passée inaperçue pour l’immense majorité de nos concitoyens. Dommage, car elle aurait dû être l’occasion de faire prendre conscience que nous, êtres humains, faisons partie de quelque chose de plus grand que nous, le vivant, au même titre que les animaux, les insectes, les plantes, les micro-organismes… tous les éléments de la biodiversité.
Par Dr Salem Sahli *
Notre pays n’a aucun programme concret de protection de la biodiversité, nous nous contentons de «célébrer», officiellement et sans panache, la journée mondiale de la biodiversité et basta.
La biodiversité est menacée en Tunisie
Pourtant, la Tunisie est l’un des pays les moins boisés en Afrique. Nos forêts sont mal entretenues et mal gérées. Le code forestier est désuet et la profession de forestier est dévalorisée. L’urbanisation phagocyte chaque année des milliers d’hectares de notre espace agricole et ce malgré l’existence du code de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme.
La pollution marine dans le golfe de Gabès a entraîné la disparition quasi-totale de nombreuses espèces marines endémiques et les parcs nationaux de Tunisie sont dans un état déplorable.
Au total, la protection de la diversité biologique est le dernier de nos soucis. Avez-vous vu ou lu une seule proposition relative à la diversité biologique dans les programmes électoraux de nos partis politiques? Assurément non. Cela ne les intéresse pas. D’ailleurs, ne voit-on pas que la création de l’instance constitutionnelle du développement durable et des droits des générations futures est sans cesse renvoyée aux calendes grecques?
Biodiversité et changement climatique sont inter-reliés
Les deux phénomènes sont tout aussi importants. Ils sont d’ailleurs liés. Le changement climatique, en détruisant les écosystèmes, accélère le rythme de disparitions des espèces et contribue à l’essoufflement de la biodiversité. Sauvegarder la nature est tout simplement, pour l’humanité, une question de survie. Sans les plantes et les animaux, sans les écosystèmes dans leur ensemble, la Terre ne serait plus vivable pour l’homme.
Notre planète nous fournit de l’air respirable, de l’eau potable, des animaux, des champignons et des plantes comestibles, toutes sortes de matières premières, etc. Si, par exemple, les grandes forêts des régions tropicales, appelées «les poumons de la planète», étaient entièrement détruites, il y aurait beaucoup moins d’oxygène dans l’air.
Dans les mers, les poissons se raréfient à cause de la pêche intensive : il n’y aura un jour plus rien à pêcher, et plus de poissons dans nos assiettes, car même les poissons d’élevage sont, pour la plupart, nourris avec des poissons pêchés dans les mers.
La disparition des espèces inquiète
Ce qui est nouveau et qui inquiète, c’est que le rythme de disparition des espèces s’est considérablement accéléré du fait des activités humaines, soit directement par le biais de la chasse alimentaire ou de loisirs, ou indirectement, par la destruction ou l’empoisonnement des milieux où vivent animaux et végétaux.
Selon un rapport du Fonds mondial pour la nature (WWF) publié le 30 octobre 2018, la Terre a vu sa population de vertébrés sauvages décliner de 60% entre 1970 et 2014.
Saviez-vous qu’en Tunisie plusieurs espèces ont définitivement disparu: le lion de l’Atlas est empaillé à Montpellier en France; la dernière autruche à cou rouge a été tuée à Gabès en 1902, les dernières antilopes (addax) ont disparu en 1930, le dernier guépard a été écrasé par un camion près d’El-Borma en 1968… Et la liste est longue.
L’argent ne peut pas être mangé
L’Association d’éducation relative à l’environnement de Hammamet (Aere) a mené plusieurs projets sur la thématique de la protection de la biodiversité. Quelques exemples : l’exposition virtuelle «Sauvons la méditerranée»; le projet de création d’une réserve naturelle à El Faouara; la création d’un jardin pédagogique des plantes grasses dans l’espace Yasmina; la création d’un parcours écologique au Centre culturel international de Hammamet; l’élaboration d’un guide des plantes d’alignement de Hammamet; le Festival des agrumes de Hammamet qui sensibilise à la biodiversité agrumicole de la région du Cap Bon; la publication «El Faouara, forêt vivante»; et plus récemment le projet sur la protection des tortues marines en Tunisie…
Toutes ces actions ont pour objectif d’éveiller les consciences et de sensibiliser à l’importance de la protection de la biodiversité. Car , comme le dit un proverbe indien : «Lorsque le dernier arbre aura été abattu, lorsque la dernière rivière aura été empoisonnée, lorsque le dernier poisson aura été capturé, c‘est alors seulement que vous comprendrez que l’argent ne peut pas être mangé».
* Président de l’Aere.
** Illustration de l’article : le jardin pédagogique des plantes grasses dans l’espace Yasmina, à Hammamet.
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