Fitch Ratings : «Les réserves internationales de la Tunisie s’érodent»

Fitch Ratings estime que le gouvernement tunisien et l’influente Union générale tunisienne du travail (UGTT) pourraient forger un consensus sur un ensemble de réformes économiques qui pourraient débloquer le financement du Fonds monétaire international (FMI) et soutenir la position de financement extérieur du pays, mais les tensions sur la future configuration institutionnelle, par allusion au projet de réforme constitutionnelle initié par le président de la république Kaïs Saïed, entravent cet accord.

«Cela augmente les risques pour notre scénario de base de l’entrée de la Tunisie dans un programme du FMI d’ici la fin du 3e trimestre 2022», a souligné l’agence dans une note publiée lundi 30 mai.

La Tunisie pourrait «échouer» devant le Club de Paris

Dans un scénario sans réforme, la Tunisie pourrait finalement être considérée comme nécessitant un traitement de la dette du Club de Paris avant de devenir éligible à un financement supplémentaire du FMI, avec des implications pour les créanciers du secteur privé, a indiqué Fitch.

«Malgré la montée des risques financiers et politiques, nous nous attendons toujours à ce que la Tunisie présente un plan de réforme crédible au FMI, avec un financement important des créanciers officiels décaissé d’ici la fin de l’année», a indiqué l’agence.

«L’annonce par l’UGTT, le 23 mai, qu’elle ne participerait pas à un dialogue national proposé par le président pour soutenir les réformes politiques et qu’elle organiserait une grève nationale du secteur public a mis en évidence des divergences de vision sur le processus de réforme», a-t-il rappelé.

«L’adhésion de l’Union renforcerait la crédibilité d’un programme de réforme économique et augmenterait considérablement la probabilité d’un accord de financement avec le FMI», a expliqué Fitch, ajoutant que «le président Kais Saied reste populaire, mais adopter des réformes politiques et économiques sans le soutien de l’UGTT serait difficile.»

L’agence pense que l’UGTT conditionnera son soutien aux réformes économiques à la préservation de son rôle politique influent dans le cadre du nouvel ordre institutionnel. Néanmoins, il existe un risque que les réformes ne soient pas convenues à temps pour garantir un programme du FMI avant que les tensions sur les liquidités externes ne s’aggravent, même si l’UGTT finit par les soutenir, estime Fitch.

Déficit courant de 8,4% du PIB en 2022

L’agence a rappelé qu’«une commission constitutionnelle a également été mise en place pour faire avancer les réformes, et un référendum sur une nouvelle constitution devrait avoir lieu en juillet, avec des élections législatives fin 2022».

Les décaissements récents, de la Banque mondiale, de l’Union européenne et d’Afreximbank, ont atténué l’impact à court terme sur la position extérieure de la Tunisie des sorties plus fortes du compte courant causées par la hausse des prix mondiaux des matières premières, telles que le pétrole et le blé, en raison de la guerre en Ukraine. «Nous prévoyons que le pays affichera un déficit du compte courant de 8,4 % du PIB en 2022 (contre 6,3 % en 2021)», souligne Fitch, en ajoutant que la hausse des prix à l’importation a également aggravé les pressions inflationnistes et alourdi la facture des subventions du gouvernement.

«En conséquence, nous prévoyons que le déficit budgétaire se creusera à 8,5% du PIB en 2022, contre 7,8% en 2021. La banque centrale a relevé son taux directeur de 75 points de base en mai à 7%, ce qui pourrait contribuer à refroidir la demande, mais il est peu probable que la Tunisie attire beaucoup d’investissements privés internationaux, compte tenu des défis économiques auxquels le pays est confronté», avertit encore l’agence.

Peut-on encore sauver la Tunisie d’une banqueroute annoncée

Fitch avait abaissé la note de la Tunisie à «CCC » de «B-» en mars 2022, en raison de risques accrus de liquidité budgétaire et externe après de nouveaux retards dans la conclusion d’un nouvel accord avec le FMI à la suite de changements politiques en juillet 2021 qui ont vu le président suspendre le parlement et révoquer le Premier ministre.

«En l’absence d’un accord avec le FMI, qui est nécessaire pour accéder à l’aide budgétaire de la plupart des créanciers publics, nous nous attendrions à ce que les réserves internationales de la Tunisie s’érodent progressivement (de 8,4 milliards de dollars à fin avril 2022) et que le dinar se déprécie», conclue Fitch, dont l’avertissement risque de tomber dans des oreilles de sourds, car ni le président Saïed ni le secrétaire général de l’UGTT, Noureddine Taboubi, ne semble disposés à trouver un modus vivendi pour sauver le pays d’une banqueroute annoncée.

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