De la déclaration du directeur du département Moyen-Orient et Asie centrale du Fonds monétaire international (FMI), publiée mercredi 22 juin 2022, au terme de discussions techniques de plusieurs mois avec les autorités tunisiennes, la plupart de nos médias ont préféré mettre en évidence la disposition du FMI à entamer, au cours des prochaines semaines, des négociations portant sur l’octroi d’un nouveau prêt à la Tunisie. Or, ladite déclaration insiste surtout sur ce que le bailleur de fonds attend des autorités tunisiennes et les travaux d’Hercule qui les attendent en termes de réformes structurelles aussi douloureuses les unes que les autres.
Par Imed Bahri
Tout en constatant «les déséquilibres déjà profonds dont souffre l’économie tunisienne et mettent la population à rude épreuve», M. Azour estime que «la gravité de la situation économique accroît la nécessité de mettre en œuvre sans délai des réformes ambitieuses». Et tout en saluant la récente publication par le gouvernement Bouden de son plan de réformes, il n’oublie pas d’exhorter «les différentes parties prenantes à faire cause commune pour le mettre en œuvre». Et parmi les parties prenantes qu’il souhaite voir faire cause commune, le responsable du FMI met, bien entendu, sans la nommer, l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), tout en sachant que la puissante centrale syndicale est fortement opposée à toutes les réformes préconisées.
Dissiper les malentendus et calmer les appréhensions
Ces réformes concernent (citons M. Azour) : le rééquilibrage urgent des déséquilibres des finances publiques, l’amélioration de l’équité fiscale, la limitation de la croissance de l’importante masse salariale dans la fonction publique, le remplacement des subventions généralisées de certains produits de première nécessité par des transferts à destination des plus pauvres, le renforcement du dispositif de protection sociale et la réforme les entreprises publiques qui perdent de l’argent, la résorption rapide des déséquilibres profonds dont pâtit l’économie, assurer la stabilité macroéconomique, renforcer la concurrence et l’ouverture de l’économie aux investissements du secteur privé… Autant de petites révolutions sectorielles, «qui permettraient à la Tunisie de tirer pleinement parti de ses atouts pour favoriser la croissance économique inclusive et fortement créatrice d’emplois dont elle a tant besoin», lit-on dans un communiqué publié sur le site du FMI. Et qui ne manqueront pas de provoquer des résistances sociales, corporatistes voire politiques.
C’est pourquoi le FMI insiste sur la nécessaire appropriation préalable des réformes envisagées par les différentes parties prenantes. «Un programme de réformes d’inspiration nationale, tel qu’il est défendu par le gouvernement, est plus crédible et plus à même de susciter l’adhésion générale, et présente donc plus de chances de réussite que par le passé», estime Jihad Azour, qui accorde une grande importance à «l’adhésion aux réformes», ce qui est loin d’être acquis, eu égard les oppositions virulentes déjà exprimées, notamment par l’UGTT, et qui ne manqueront de constituer autant de freins à l’avancement des réformes, comme nous en avions déjà fait l’expérience au cours des dix dernières années.
Le dialogue transparent pour vaincre les résistances
En fait, les réformes envisagées n’ont rien de nouveau. On en parle depuis plus de vingt ans, sans parvenir vraiment à les concrétiser, en raison, non pas seulement du sectarisme syndical, mais aussi des résistances politiques alimentées par les lobbys d’intérêt, ainsi que de l’incompétence et de l’impéritie d’une administration publique pléthorique, inefficace et parfois même corrompue.
C’est pourquoi le FMI insiste dans son communiqué sur la nécessité pour le gouvernement de «décrire plus en détail chacune des mesures de son plan de réformes, et qu’il en débatte avec l’ensemble des parties prenantes, afin que celles-ci fassent cause commune et participent à sa mise en œuvre».
Malheureusement, le gouvernement fait exactement le contraire de ce qui est attendu de lui dans ce contexte, en communiquant à minima sur son plan de réformes pour, croit-il, ne pas braquer les catégories sociales que ces réformes risquent d’impacter négativement et ne pas susciter l’opposition des corps constitués (partis, organisations, Ong…). Précaution inutile s’il en est, car cette opposition s’est déjà amplement et vivement exprimée et seul un débat pourrait aider à dissiper les craintes et à calmer les résistances, souvent basées sur de fausses appréhensions, et surtout faire valoir l’intérêt général de la nation sur les intérêts particuliers des individus, des catégories ou des corporations. C’est ce que le communiqué du FMI souligne en soulignant la nécessité d’«un dialogue ininterrompu avec les principaux interlocuteurs ainsi qu’une communication plus large», pour que le gouvernement «augmente les chances de réussite de ses politiques».
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