L’Union générale tunisienne du travail (UGTT) a publié, vendredi 8 juillet 2022, ses «observations détaillées» sur le projet de constitution paru au Journal officiel le 30 juin et qui devrait faire l’objet d’un référendum le 25 juillet courant.
Les remarques de l’UGTT ont été publiées après le discours du président de la république au peuple tunisien à l’occasion de l’Aïd Al-Adha, dans lequel Kaïs Saïed reconnaissait que «quelques erreurs s’étaient glissées» dans le texte publié de la nouvelle constitution, et une version corrigée a été publiée dans la même soirée sur le Jort.
La centrale syndicale estime que «le préambule n’est pas digne de la constitution tunisienne… un registre conceptuel, valorisant et symbolique qui réfère aux droits de l’homme et autres valeurs universelles». Elle note que la constitution de janvier 2014, encore en vigueur, «n’autorise pas le président de la République à soumettre une nouvelle constitution à référendum».
Le désir personnel de Kaïs Saïed d’écrire une nouvelle histoire
«Le préambule ne contient pas les principes généraux régissant et réglementant les articulations et le contenu de la constitution», a souligné l’UGTT, en soulignant également que ce préambule omet de mentionner les constitutions de 1959 et 2014, et qu’il est «conçu spécifiquement pour justifier le 25 juillet, et pour réaliser le désir personnel d’écrire une nouvelle histoire», par allusion à la proclamation des mesures exceptionnelles, le 25 juillet 2021.
En ce qui concerne le texte du projet, la centrale syndicale a estimé que le projet soumis au référendum populaire du 25 de ce mois «viole les principes de séparation et d’équilibre des pouvoirs, qui sont à la base de tout système et de toute construction démocratiques», ajoutant que le projet «permet au président de la République de contrôler et de centraliser tous les pouvoirs». Et tout en mettant entre ses mains tous les pouvoirs, le projet met le président «au-dessus de toute obligation de rendre compte, tout en l’immunisant contre toute responsabilité politique ou pénale».
La religion devient un élément essentiel de la vie politique et juridique
Dans ses «remarques», l’UGTT indique également que le projet «exclut le concept d’État civil fondé sur la séparation de la religion et de l’État, et ouvre un large champ à la religion en tant qu’élément essentiel de la vie politique et juridique».
La centrale syndicale, quelques jours auparavant, une réunion de son conseil administratif, a estimé, par ailleurs, que le texte proposé «a éludé la notion d’intérêt public, des principes de bonne gouvernance, des valeurs de transparence, d’intégrité, d’impartialité, de qualité, et autres dans la représentation de l’administration publique et de sa fonction.»
«Le projet de constitution «limite de façon dangereuse l’indépendance des organes de l’État, tels que le parlement, le pouvoir judiciaire, les collectivités locales et les instances constitutionnelles», a encore souligné l’UGTT, estimant que le projet «marginalise le rôle de ces instances ou nie leur existence.»
Affaiblissement du rôle de l’Assemblée des représentants
Le projet de constitution publié le 30 juin «affaiblit les pouvoirs de représentation de l’Assemblée des représentants, dont le plus important est le rôle de contrôle sur le travail du pouvoir exécutif », tout en observant «un silence délibéré» sur le mode d’élection, la date, la composition et la durée de mandat du parlement.
Le projet de création d’une deuxième chambre aux côtés de l’Assemblée des représentants du peuple risque de créer un conflit entre les deux chambres et «reproduire des crises et des blocages».
En ce qui concerne les libertés et droits contenus dans le texte du projet, la centrale syndicale a estimé que le texte soumis au référendum «restreint les garanties d’application et de respect de ces droits et libertés, même pour les plus élémentaires, et laisse amplement ouverte la possibilité pour la loi de les restreindre selon le principe de convenance (plutôt que celui de proportionnalité), sans engagement envers les valeurs et principes de l’intérêt de l’État démocratique civil.»
I. B.
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