Tunisie : Les signes avant-coureurs d’une dictature qui s’installe

Une dictature qui s’installe se reconnaît à quelques signes avant-coureurs, dont les violences policières à l’encontre des opposants, comme celles enregistrées hier, vendredi 22 juillet 2022, à Tunis, et qui doivent servir de sonnette d’alarme.

Par Ridha Kefi

Une dictature qui s’installe se reconnaît à quelques signes avant-coureurs et ces signes, qu’une longue expérience de la dictature nous a appris à détecter, réapparaissent à la faveur de l’accaparement de tous les pouvoirs par le président de la république Kaïs Saïed, depuis la proclamation des mesures exceptionnelles, le 25 juillet 2021. Parmi ces signes, les violences policières enregistrées hier à l’encontre des citoyens rassemblés à Tunis pour manifester leur opposition à la nouvelle constitution proposée au vote populaire lundi prochain.

Si elles confirment les appréhensions exprimées au cours des derniers mois à propos de la dérive autoritaire du régime mis en place par M. Saïed, ces violences policières, dont des images et des vidéos ont été diffusées sur les réseaux sociaux et auxquels les médias du monde entier ont fait écho, viennent confirmer l’impunité totale dont bénéficient aujourd’hui les forces sécuritaires.

Un pacte tacite

Ce n’est plus là un simple sentiment partagé par les citoyens que la police est en passe de devenir une force aveugle et sans garde-fous, puisque les agressions policières se suivent et gagnent en brutalité, sans que les victimes n’aient la possibilité de recourir à une instance autorisée contre les abus ainsi enregistrés.

Pis encore, le président de la république qui, avant le 25 juillet 2021, était prompt à condamner les violences sous la coupole de l’Assemblée, ferme aujourd’hui les yeux sur les agressions commises par les policiers contre ses propres opposants, et même parfois contre de simples citoyens sans défense.

Il y a comme un pacte tacite passé entre les deux parties, et que les fréquentes visites effectuées par le chef de l’Etat au siège du ministère de l’Intérieur renouvellent sans cesse.

En vertu de ce pacte, le président de la république donne carte blanche aux forces de police pour agir dans le sens de leurs intérêts respectifs, ceux du président et ceux de la police, quitte à ce qu’elles outrepassent les règles de la neutralité politique qu’exige le statut d’une police républicaine digne de ce nom. Le fait que le chef de l’Etat n’ait jamais déploré le moindre abus policier – et Dieu sait qu’il y en a eu beaucoup ces derniers temps – est très significatif à cet égard et prouve s’il en est besoin que le chef de l’Etat, qui s’enorgueillit de ne pas disposer d’un parti dévoué à sa cause, gouverne en s’adossant aux «forces armées» dans l’acceptation générale qu’il en donne lui-même, à savoir la police et l’armée.

Nous aimerions vraiment que le président nous démente en condamnant, ne fut-ce qu’une seule fois et fut-ce pour la forme et pour sauver les apparences, les violences policières qui nuisent à sa réputation, donnent une image catastrophique du régime qu’il est en train de mettre en place dans le pays et apportent du grain à moudre à ses opposants qui l’accusent de dérive dictatoriale.

Les avancées du monstre

Une dictature qui s’installe se reconnaît, écrivions-nous en haut, à quelques signes avant-coureurs, dont les violences policières à l’encontre des opposants, mais cette impunité offerte aux forces de police dans la répression des citoyens ne s’arrête pas au tabassage de quelques manifestants et à l’arrestation de quelques autres, comme cela s’est passé hier. Elle se poursuit et se confirme par l’interdiction des réunions, le sabotage des activités partisanes et associatives, les brimades et les humiliations au quotidien des activistes, le quadrillage policier de la vie publique…

Et comme la dictature, quand elle s’installe, perd tout sens des réalités, prend ses aises et ne sait plus où s’arrêter, on est en droit de craindre d’autres avancées du monstre, comme le musellement des médias, dont nous avons déjà un avant-goût avec le contrôle direct par les autorités de la ligne éditoriale des médias publics où les opposants sont déjà interdits de passage. Et quand les médias sont mis sous l’éteignoir, c’en sera fini de toute expression libre ou autonome dans le pays.

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