Le poème du dimanche : «Poèmes mystiques» de Hussein Mansour Al-Hallaj

Né vers 858 et mort le  26 mars 922 à Bagdad, Hussein Mansour Al-Hallaj est un mystique persan soufi d’obédience sunnite. Il est l’auteur d’une œuvre poétique abondante visant à renouer avec la pure origine du Coran et son essence orale et littéraire. (Martyr d’Al-Hallaj à travers des miniatures persanes).

Fulgurante figure de la mystique en islam, Al-Hallaj appartient à cette rare pléiade de poètes pour qui la poésie fait un avec la pensée, et la pensée avec l’être, et l’être avec le sublime.

Al-Hallâj étant l’un des plus grands mystiques de tous les temps, l’unité de la pensée, de la poésie et de l’être chez lui trouve sa justification dans une expérience de la totalité qui sert à exprimer une relation unique à l’Unique. Une expérience profonde et totale où l’âme coexiste avec le corps, la raison avec ce qui la nie, la finitude de la mort avec l’horizon de la résurrection, et où le cœur et l’imagination, portés par cette force transfiguratrice qu’est l’amour, deviennent des moyens de connaissance.

Al-Hallaj voyagea beaucoup et fut prédicateur en Iran, puis en Inde et jusqu’aux frontières de la Chine. Rentré à Bagdad, il est suspecté aussi bien par les sunnites que par les chiites pour ses idées mystiques (recherche de l’amour divin et de l’union de l’âme et de Dieu) et son influence sur les foules. Il est — faussement — accusé d’avoir participé à la révolte des Zanj, mais sa condamnation proprement dite résulte du fait qu’il avait proclamé publiquement «Je suis la Vérité (Dieu)» (« Ana al haqq »), ce qui était vu comme une hérésie, aussi bien dans le sunnisme que dans le chiisme.

Cette affirmation, si elle ne doit théoriquement pas être publique, n’est pas incongrue dans le milieu soufi où ce genre de propos est considéré comme émanant d’un homme qui, «fondu» dans l’«océan de la divinité», possède un rang spirituel très élevé. Les traductions de Louis Massignon viennent appuyer cette thèse, la plupart des versets du Diwan de Hallaj traitant de la «science de l’Unité» (panthéisme).

Ne voulant pas renier ses propos publics, Hallaj est condamné à mort et crucifié à Bagdad le 27 mars 922, la recherche d’une relation directe avec Dieu étant perçue par l’islam officiel comme une rupture intolérable de la charia. Il restera un des plus célèbres condamnés soufis et son supplice sera mentionné de nombreuses fois, par exemple dans les écrits de Rûmî.

Extrait 1

Dieu en témoigne ! Qu’aucun soleil ne se lève ni se couche
Sans que Ton amour soit uni à mes souffles

Et que je ne m’isole pour m’entretenir avec autrui
Sans que Tu ne sois mon entretien avec autrui

Et que triste ou joyeux je ne T’invoque
Sans que Tu sois dans mon cœur parmi mes doutes

Et que de soif je ne m’apprête à boire de l’eau
Sans que je voie une image de Toi dans ma coupe

Ah ! si je pouvais, j’irais à Toi
Courant sur le visage ou marchant sur la tête

Extrait 2

Je vis mon Seigneur, avec l’œil de mon cœur,
Et Lui dis : Qui es-Tu
? Il me dit : Toi!

Mais, pour Toi, le “où” ne sait trouver un lieu,
Il n’y a pas de “où” repérable, du moment qu’il s’agit de Toi !

Et il n’y a pas d’image venant de Toi, dans la durée,
Qui permette d’apprendre où Tu es !

Puisque Tu es Celui qui embrasse tout lieu,
Et passe au-​delà de tout lieu, où donc es-Tu, Toi ?

Extrait 3

J’ai un Bien-Aimé que je visite dans les solitudes
Présent et absent aux regards

Tu ne me vois pas L’écouter avec l’ouïe
pour comprendre les mots qu’Il dit
Mots sans forme ni prononciation

Et qui ne ressemblent pas à la mélodie des voix

C’est comme si en m’adressant à Lui
Par la pensée, je m’adressais à moi-même

Présent et absent, proche et lointain
Les figures des qualificatifs ne peuvent Le contenir
Il est plus près que la conscience pour l’imagination
Et plus caché que les pensées évidentes

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