Tunisie : Qu’est ce qui fait courir Mongi Rahoui ?

Ceux qui veulent comprendre pourquoi les Tunisiens en ont marre des partis politiques, tous les partis sans exception, boudent les rendez-vous électoraux et soutiennent le président Kaïs Saïed, un homme sans passé politique, venu de nulle part et menant le pays vers l’inconnu, et bien, ils ont dans la nouvelle tragi-comédie qui secoue le Watad une très bonne explication !

Par Imed Bahri    

Comme si leur impopularité ne suffit pas à leur malheur, les petits partis appelés «zéro virgule», en référence à leurs scores électoraux, trouvent le moyen de se diviser encore en clans opposés. C’est le cas du Parti des démocrates patriotes unifié (Watad), petite formation d’extrême gauche dont les membres se livrent aujourd’hui, par médias interposés, à une lutte fratricide.    

L’un des dirigeants de ce parti, Mongi Rahoui, ancien député élu sous la bannière du défunt Front populaire, à l’implosion duquel il avait d’ailleurs fortement contribué, a organisé ce qu’il a appelé un «séminaire national», les 3 et 4 septembre 2022, à Monastir. Au terme de ce séminaire, auquel ont pris part certains autres cadres nationaux, régionaux et locaux du parti, M. Rahoui a annoncé que les préparatifs se poursuivent pour la convocation et la tenue du deuxième congrès du Watad dans un délai de deux mois. Il a également annoncé la décision de former une instance de direction provisoire, qui sera chargée de l’organisation matérielle et politique du second congrès. Il a également appelé les militants du parti à prendre part aux préparatifs du congrès et à l’élaboration d’une vision de l’étape à venir.

Le coup de force de Mongi Rahoui

M. Rahoui a précisé que ledit «séminaire national» a été organisé «suite à la crise que traverse le parti  et aux atermoiements de la direction en place à procéder à la convocation du congrès», ainsi que «son incapacité à assurer l’unité organisationnelle et politique du parti, et son refus de satisfaire la demande de la majorité des camarades», selon ses termes.

M. Rahoui a aussi souligné que «les militants du Watad sont alignés sur les revendications du peuple et les préoccupations des travailleurs et des pauvres, sur l’intérêt suprême du pays et sur la souveraineté nationale», en précisant: «Nous n’avons d’autre choix que de siéger au sein de l’Assemblée nationale démocratique», qui devrait sortir des législatives anticipées du 17 décembre prochain. Et c’est là, on l’a compris, la principale motivation de M. Rahoui et de ses camarades : ils craignent l’annonce par la direction actuelle du Watad d’un boycott de ces élections, qui les priverait de la possibilité d’y participer et donc de siéger sous la coupole du Bardo.

La divergence entre les deux parties est d’ailleurs très profonde : M. Rahoui et son clan soutiennent tapageusement le processus rectificatif lancé par le président de la république Kaïs Saïed le 25 juillet 2021, alors que la direction actuelle, autour du secrétaire général Mohamed Jmour, s’y oppose catégoriquement, y voyant même une grave dérive des principes démocratiques.    

Il convient de noter à ce propos que le bureau politique du Watad avait annoncé, dans un communiqué publié le 5 juin dernier, l’exclusion de M. Rahoui des instances du parti et du retrait définitif de son adhésion, en raison de sa participation aux réunions de l’Instance nationale consultative pour une nouvelle république, créée par le chef de l’État, dans le cadre de l’élaboration de la nouvelle constitution, et ce malgré la décision du parti de ne pas participer à ce qu’il considérait comme «un dialogue aux résultats connus d’avance».

Mohamed Jmour sort de sa torpeur estivale

Devenu un électron libre et sans attaches partisanes, M. Rahoui, s’est donc retrouvé sur la touche, une situation intolérable pour cet homme d’appareil, qui n’est pas resté les bras croisés. Profitant de l’immobilisme de ses anciens camarades, engloutis par la torpeur de l’été méditerranéen, il a mobilisé les éléments du Watad soutenant comme lui le président Saïed pour mener l’opération de captation ou de cooptation des instances du parti. Et comme il fallait s’y attendre, M. Jmour et son clan n’ont pas tardé à réagir pour faire valoir leur tutelle sur le bébé.

Dans une déclaration à Mosaïque FM, lundi 5 septembre, ce dernier a précisé que ledit «séminaire national» ayant annoncé la création d’un comité directeur provisoire avec pour mission d’organiser le second congrès du parti «n’a aucune base légale» et que «le Watad dispose de structures élues légitimes».

Tout en rappelant que «Mongi Rahoui a été écarté du parti parce qu’il a tourné le dos à ses principes et à ses positions politiques prises démocratiquement au sein de ses structures», M. Jmour a considéré que ce qu’a fait ce dernier avec ce qu’il a qualifié de «groupe d’exclus» est «une tentative dangereuse de s’approprier illégalement le parti et ses structures légitimes.»

Ambiance…

Résultat des courses : le Watad, qui est lui-même issu d’une série de scissions au sein de la gauche radicale, laquelle, depuis les années 1970, n’est jamais parvenue à constituer une formation unie, cohérente et populaire, en dehors de quelques cercles restreints d’universitaires et de syndicalistes, est voué à de nouvelles scissions qui aboutiraient à sa disparition de la scène politique, où, déjà, il n’a occupé jusque-là qu’un… strapontin.

Vous voulez comprendre pourquoi les Tunisiens en ont marre des partis politiques, tous les partis sans exception, boudent les rendez-vous électoraux et soutiennent le président Kaïs Saïed, un homme sans passé politique, venu de nulle part et menant le pays vers l’inconnu, et bien, vous avez dans cette nouvelle tragi-comédie du Watad une très bonne explication !   

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