Tunisie : Mais que fait le gouvernement ?

L’ancien chef de gouvernement Hamadi Jebali s’interrogeait, avec une touchante sincérité, en constatant la démission des autorités publiques face aux problèmes des citoyens : «Mais que fait le gouvernement ?». Le président de la république Kaïs Saïed, qui accapare aujourd’hui tous les pouvoirs dans le pays, sans rien faire pour aider à régler les problèmes récurrents de ses administrés, devrait se poser la même question aujourd’hui. Et pour cause… (Illustration: Kaïs Saïed continue de se plaindre aux membres de son gouvernement des problèmes quotidiens des citoyens… qu’ils n’arrive pas lui-même à régler avec tous les pouvoirs dont il dispose).

Par Imed Bahri

Les Tunisiens, dont la patience et la naïveté n’ont pas de limites, attendent toujours ne fut-ce qu’un début de réalisation des promesses du président Saïed, notamment dans la lutte contre la corruption, la spéculation, la mal-gouvernance et autres maux endémiques de la société. Il vont devoir attendre encore longtemps… Car les paroles des politiques endorment les consciences et abêtissent les citoyens qui y croient, mais aboutissent rarement à quelque chose de quantifiable et de concret.

Récemment, une cargaison de phosphate séché destinée à être exportée vers l’Italie, estimée à 5 000 tonnes, n’a pas pu arriver à destination dans les délais fixés. Que s’est-il passé ?

La réponse est venue de Alaeddine Amara, secrétaire général du principal syndicat de la Société tunisienne de transport de produits miniers (STTPM) à Mdhila (Gafsa), qui a déclaré que cette interruption de l’exportation d’une cargaison de phosphate séché vers l’Italie n’était pas due à une grève des travailleurs de l’entreprise. En fait, ces derniers ont été contraints d’arrêter l’opération en raison de l’agression qu’ils ont subie de la part de plusieurs habitants de la région de Borj Akerma qui ont saccagé les bus qui transportaient ces employés et blessé certains d’entre eux.

L’impuissance de la puissance publique

Intervenant par téléphone vendredi 9 septembre 2022 dans l’émission Shems Maak, sur Shems FM, le responsable syndical a déclaré que les habitants de la région de Borj Akerma ont délibérément saccagé les bus et agressé les travailleurs, les obligeant à battre en retraite.

Tout en déplorant l’incapacité des autorités à sécuriser le transport des produits miniers, le responsable syndical a ajouté que les travailleurs de la STTPM ont contacté la Compagnie de phosphate de Gafsa (CPG), la principale concernée par l’opération, afin d’obtenir des bus de rechange, mais cette dernière a refusé, invoquant le manque de bus en nombre suffisant. Il a aussi évoqué la situation difficile de la STTPM et s’est plaint de plusieurs manquements, notamment l’absence d’un directeur général et le non-versement, jusqu’à aujourd’hui, de la prime de rentrée scolaire habituellement servie aux travailleurs à pareille période de l’année.

Le «peuple de Kaïs Saïed» 

Alors que de telles attaques sont devenues fréquentes depuis plusieurs années, et pas seulement dans la région minière de Gafsa, causant d’énormes pertes pour les entreprises et pour l’économie nationale en général, les autorités locales, régionales et nationales restent les bras croisés, montrant une inexplicable impuissance à agir pour mettre hors d’état de nuire une poignée de saboteurs facilement identifiables, un ramassis de bandits et de soi-disant chômeurs, dont beaucoup refusent de travailler, préférant l’argent facile que procure le recrutement par une entreprise publique.

Comment expliquer ce laxisme, alors qu’une unité sécuritaire dépêchée dans la zone aurait permis d’éviter ce genre d’agissements irresponsables et criminels ?

Qui faut-il interpeller à ce sujet, sinon le président Saïed lui-même, qui accapare tous les pouvoirs dans le pays et semble avoir une conception anarchique de son slogan de campagne «Echaab yourid wa lahou ma yourid» (Le peuple veut et il obtiendra ce qu’il veut)?

Ces saboteurs qui imposent leur loi à l’Etat, contrôlent la voie publique étrangement abandonnée par la puissance publique, freinent les activités des entreprises et détruisent l’économie nationale font-ils partie du «peuple de Kaïs Saïed», c’est-à-dire ses électeurs potentiels qu’il cible par son populisme destructeur ? En s’attaquant souvent aux chefs d’entreprises, en les accusant de corruption et en promettant de prendre l’argent des corrompus pour le distribuer aux pauvres, n’alimente-t-il pas lui-même ainsi cette anarchie générale qui a mis la Tunisie à genou au cours des dix dernières années ? 

Si les investisseurs étrangers ne se bousculent pas au portillon de la Tunisie, n’allez pas chercher loin les causes de ce boycottage. Car si les rares candidats intéressés par notre pays hésitent à s’engager, c’est parce qu’ils voient l’état déplorable du climat des affaires. Si les entreprises tunisiennes ont du mal elles-mêmes à s’en sortir, les entreprises étrangères auraient à plus forte raison des difficultés à opérer dans un climat tendu et hostile, se disent-ils.

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