Tunisie : Bakchich, pots de vin et anarchie du «peuple qui veut»

Le racket et le sabotage en bandes organisées sont un type de banditisme qui paralyse des pans entiers de l’économie tunisienne. Il s’est développé depuis 2011 et a causé des pertes se chiffrant à des milliards de dinars pour l’industrie du phosphate au gouvernorat de Gafsa. Qu’attendent les autorités pour faire régner la loi dans les zones de non-droit livrées au bon vouloir du «peuple qui veut»* et mettre fin au laxisme et à l’impunité ?   

Par Imed Bahri

Le journal Echourouk nous fournit un exemple vivant de cette forme de banditisme à travers ce qui s’est passé samedi soir, 2 septembre 2022, au niveau de Borj Akerma de la délégation de Mdhila.

Selon Fathi Titay, membre de la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l’homme (LTDH), bureau de Gafsa, cité par le journal, un groupe de personnes a intercepté des bus appartenant à la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG) et en a saccagé certains, tandis qu’un autre bus appartenant à la Société de transport des produits miniers (STPM) a été arrêté et empêché de poursuivre sa route.

Bakchich et pots de vin à tous les échelons

Ces individus exigeaient le paiement de l’argent qu’ils percevaient depuis des années en échange de leur non-intervention pour perturber le transport du phosphate. Leur «salaire» du mois n’ayant pas été versé comme d’habitude, ils ont recouru à cet acte de sabotage. Selon Titay, il s’agit de hors-la-loi qui sont recherchées suite à des plaintes déposées contre eux par la CPG et le Groupe chimique tunisien (CPG).

Cet épisode suscite deux interrogations. D’abord, comment les autorités locales, régionales et nationales, qui voyaient l’industrie du phosphate péricliter, n’ont-elles pas réagi avec la célérité et la fermeté requises contre ces bandits, à moins qu’il y ait des complicités à un niveau ou un autre qu’il s’agit aujourd’hui d’identifier et de sanctionner ?

Ensuite, comment les sociétés nationales en charge de la production, du transport et de la transformation du phosphate, qui ont subi des pertes monumentales au cours de la dernière décennie, ont-elles accepté de se soumettre à la volonté de quelques bandits et se sont-elles même résignées à leur payer un bakchich pour pouvoir continuer leurs activités dans la région ?

Le peuple qui veut… l’anarchie

Une telle affaire aurait dû être portée à la connaissance de l’opinion publique et des pressions exercées sur les autorités pour qu’elles sortent de leur laxisme criminel et agissent avec les moyens de dissuasion dont elles disposent. Sinon, à quoi servent la police et la justice ? Est-ce seulement à faire les chiens de garde pour quelques groupes d’intérêts ayant de fortes connexions au sein de la haute administration et des partis politiques ?

Quant au président de la république Kaïs Saïed, qui nous rebat quotidiennement les oreilles avec imprécations et ses menaces à l’encontre des corrompus, des contrebandiers et des spéculateurs qui minent l’économie du pays, quand va-t-il enfin utiliser les pouvoirs qui lui sont attribués pour agir contre ces saboteurs agissant au quotidien et en plein jour, et qui dissuadent les investisseurs de s’aventurer à dilapider leur argent en bakchichs et pots de vin, à moins qu’il considère ces jeunes délinquants comme sa base électorale, celle du «peuple qui veut»*! En quelque sorte, l’anarchie au nom de l’expression de la volonté populaire !

* Slogan cher à M. Saïed.

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