Tunisie : Atide fait part de ses réserves sur la nouvelle loi électorale

La nouvelle loi électorale concoctée par le président de la république Kaïs Saïed et promulguée par un décret-loi publié avant-hier soir, jeudi 15 septembre 2022, continue de susciter des interrogations sur les intentions ayant présidé à certains choix contestables et des inquiétudes quant au système politique qu’elle mettrait en place et qui ressemblerait de loin à une démocratie digne de ce nom.

«Les modifications apportées à la loi électorale ont entraîné des changements majeurs dans l’orientation générale du système gouvernemental et ont répondu, en partie, aux demandes de la société civile de réformer cette loi dans le but de conférer plus de transparence aux élections de l’Assemblée des représentants du peuple», a déclaré Bassam Maatar, président de l’Association tunisienne pour l’intégrité et la démocratie des élections (Atide).

Dans une déclaration à la Tap vendredi 16 septembre 2022, Maatar a déclaré que cette loi «comprend de nombreuses conditions injustes et exorbitantes qui sont difficiles à remplir et peuvent conduire, par ricochet, à des résultats contraires à ceux espérés, y compris la mise en place d’un système présidentialiste».

Evoquant le nombre de sièges au prochain parlement, l’expert s’est félicité de la réduction du nombre de députés de 217 à 161, estimant qu’il s’agit d’une «mesure louable», ajoutant que les conditions de candidature prévues dans le texte amendé, notamment la propreté du casier judiciaire, fait partie des revendications tant prônées par la société civile. «C’est l’un des points forts de cette loi», a-t-il ajouté.

Revenant sur la question des parrainages, Maatar a indiqué qu’il s’agit d’un «grand dilemme» puisque le candidat ne pourra pas récolter 400 parrainages équitablement répartis (entre femmes et hommes), dont 25% ayant moins de 35 ans.

«Une telle procédure soulèvera nécessairement un certain nombre de questions sur le profil des personnes pouvant accomplir cette mission», a-t-il dit, d’autant que certains profils présentant une compétence avérée sont d’office écartés, mettant en garde contre le risque d’achat de parrainages, et peut-être aussi des voix, qui pourrait conduire à «un parlement en-deçà des attentes».

Le dirigeant de l’Atide a également attiré l’attention sur la question du retrait du mandat du député, notant que cette procédure «est en vigueur dans certains pays dans le monde et est généralement appliquée dans les conseils municipaux et non au parlement», où le candidat représente la nation tout entière et non ses seuls électeurs, lesquels sont autorisés par la nouvelle loi à introduire une demande de retrait de confiance à leur élu.

Abordant la question du choix du mode de scrutin uninominal, Bassam Maatar a souligné que ce mode de scrutin pourrait conduire à un «parlement disparate et fragmenté», soulignant qu’il est légitime de se demander si, dans ce système, le choix des électeurs portera sur le candidat lui-même ou son programme.

Une autre faiblesse de ce système de vote, a ajouté Maatar, est le risque d’accroître la désaffection des électeurs déjà réticents à participer aux élections, entraînant des taux de participation faibles et donc non représentatifs.

Le président de l’Atide a également critiqué la question du découpage des circonscriptions électorales, affirmant que la présidence de la république s’est abstenue de donner plus de détails sur les modalités de ce découpage et les raisons de son choix, dénonçant «l’approche unilatérale et non inclusive» adoptée lors de la modification de la loi électorale.

I. B. (avec Tap).

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