Tunisie : une classe politique qui s’acharne à couler son pays 

Les défaillances systémiques accumulées par la Tunisie depuis une bonne quinzaine d’années nécessitent beaucoup plus d’efforts et de sacrifices de la part de toutes les parties. Car les réformes envisagées vont être douloureuses et leur mise en œuvre nécessite de la compétence et de l’audace, qualités rares chez les décideurs actuels.

Par Elyes Kasri *

La Tunisie vient d’obtenir un accord technique de facilité élargie de prêt, en attendant sa confirmation par le conseil d’administration du Fonds monétaire international (FMI) en décembre prochain, pour 1,9 milliard de dollars soit 6 milliards de dinars avec un décaissement étalé sur quatre ans.

Cela sonne certes comme une bonne nouvelle, mais il faudra résister à la tentation de sauter de joie car il n’y a vraiment pas de quoi.

Manque de cohérence, de cohésion et de solidarité

Compte tenu du montant très en-deçà des attentes, des besoins considérables et des longs délais de décaissement, ce prêt semble exprimer un niveau bas de confiance de la principale institution financière du monde et risque de ne pas être le sésame tant espéré auprès des institutions financières étrangères, nationales et multilatérales.

Les défaillances systémiques accumulées par la Tunisie depuis une bonne quinzaine d’années nécessitent beaucoup plus d’efforts et de sacrifices.

Les réformes les plus douloureuses sont encore devant nous avec leur lot de fébrilité sociale et sécuritaire. L’opacité politique qui règne actuellement ne facilite pas les choses.

Au-delà des prêts qui devront être nécessairement remboursés, ce qui manque le plus à la Tunisie, c’est une main capable de guider le pays avec davantage de cohérence, de cohésion et de solidarité vers un meilleur avenir.

Main es-tu là?

Gestion au jour le jour dépourvue d’audace

En effet, et en dépit des pleins pouvoirs détenus par le chef de l’exécutif, le président de la république Kaïs Saïed, et du bol d’oxygène en voie d’être accordé par le FMI, l’actuel gouvernement conduit par Najla Bouden ne diffère pas de ceux qui se sont succédé depuis 2011.

C’est pratiquement la même approche timide de gestion au jour le jour dépourvue de l’audace requise pour pouvoir remettre en question les situations de rente bureaucratique, économique et sociale, en proposant un nouveau modèle de développement à même d’assurer une rentabilisation optimale des atouts humains, naturels et géographiques de la Tunisie.

Depuis «la révolution de la liberté et de la dignité», les responsables politiques tunisiens semblent avoir banni de leur lexique les concepts de vision et de relance, oubliant que ce sont les clés indispensables de la prospérité de la Tunisie et de sa souveraineté.

Par ailleurs, les expressions de compassion pour ce qu’endurent de larges segments du peuple peuvent être prises pour un aveu d’impuissance et d’incapacité d’assumer ses responsabilités lorsqu’elles sont ressassées sans véritables solutions et d’impact tangible sur l’enfer quotidien vécu par un nombre croissant de Tunisiens.

La Tunisie est-elle devenue invivable au point que même des enfants de quatre ans la quittent illégalement? Sommes nous condamnés à devenir des boat-people, hommes, femmes et enfants?

Le drame de Zarzis et la harga d’une fillette de quatre ans sont le réquisitoire le plus accablant contre une classe politique et syndicale qui sévit depuis 2011 et s’acharne à couler un pays jadis admiré et envié.

De la médiocratie et la kleptocratie, on se rapproche dangereusement du génocide.

* Ancien ambassadeur.

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