Banque mondiale : l’économie tunisienne est au point mort

«Si la Tunisie ambitionne de préserver ses acquis démocratiques – quoique fragiles – et de répondre aux revendications de ses citoyens, il est aujourd’hui plus que jamais urgent de remettre la transition sur la bonne voie», souligne le deuxième rapport de diagnostic systématique de pays (DSP), réalisé par la Banque mondiale sur la Tunisie.

«Le changement de paradigme en faveur de la mise en place d’un cercle vertueux gagnant-gagnant exige, sur le court terme, le déploiement de gros efforts visant à parvenir à un consensus autour de la conception et de la mise en œuvre des réformes, d’une part et à apporter des gains tangibles, à rétablir la confiance et à relancer la dynamique, d’autre part», soulignent les auteurs du rapport intitulé «Rétablir la confiance et répondre aux aspirations pour une Tunisie plus prospère et inclusive», présenté jeudi 10 novembre 2022 à Tunis.

Ce diagnostic pays, préparé par la BM, un des principaux bailleurs de fonds du pays, offre une vision des tendances en Tunisie sur les dix dernières années, notamment à travers des comparaisons internationales et des analyses prospectives de moyen terme.

Le rapport aborde le contexte et le bilan de la dernière décennie avant de se consacrer à l’identification de quatre pistes prospectives pour la Tunisie en termes de rétablissement de la confiance, de réponse aux aspirations des citoyens, et de réponses possibles aux défis majeurs auxquels la Tunisie fait face.

Un compromis politique en panne

Les deux premières pistes proposées mettent l’accent sur la nature centralisée du compromis politique et les implications qui sont les siennes sur les résultats de développement.

«L’objectif principal de ces deux voies consiste à exploiter à bon escient les doléances des citoyens et à mettre en place des institutions plus inclusives», estiment les auteurs du rapport.

Au titre de ce programme, le DSP accorde la priorité à deux autres voies estimées – elles aussi – essentielles à la satisfaction des aspirations des citoyens. Il s’agit de faire évoluer l’économie vers une croissance tirée par la productivité et renforcer l’inclusion.

«Le rétablissement de la confiance et la satisfaction des aspirations des citoyens tournent nécessairement autour de deux principaux axes : la mobilisation du pouvoir des voix citoyennes et la mise en place d’institutions plus inclusives», souligne le rapport. Et d’ajouter que les acquis démocratiques que la Tunisie a pu réaliser tout au long de la décennie passée sont sans précédent dans la région. Toutefois et à bien des égards, le compromis politique établi au lendemain de la Révolution continue de poser problème au développement du pays.

Déclin de productivité et de croissance

Pour les auteurs du rapport, le déclin de productivité et de croissance qui gangrène l’économie tunisienne est synonyme de perte de potentiel économique, en raison de nombreuses années de sous-investissement dans le capital productif et l’innovation, du manque d’ouverture et de concurrence sur les marchés et de la détérioration des capacités commerciales.

Pour inverser la donne et améliorer la productivité, la Tunisie est appelée à engager de profondes réformes structurelles capables de lever les nombreuses barrières qui entravent la concurrence, moderniser le secteur financier, attirer plus d’investissements directs étrangers, mobiliser les financements climatiques et promouvoir l’innovation, recommande le rapport.

Il y a également urgence à renforcer les capacités commerciales du pays, notamment par l’introduction de services commerciaux modernes et l’approfondissement de l’intégration commerciale tout au long de la chaîne de valeur mondiale.

Toujours selon le DSP, le renforcement de l’inclusion, tout aussi crucial pour la stabilité de la transition, implique un accès équitable aux opportunités économiques et une amélioration des conditions de vie des citoyens.

Il s’agit, plus particulièrement, d’améliorer les compétences et les résultats de l’éducation, notamment dans les régions intérieures et rurales, de sorte à élargir l’accès aux avantages de la croissance future.

Dans le même ordre d’idées, on s’attend à ce que les mesures prévues pour appuyer la participation des femmes au marché du travail réduisent les disparités hommes-femmes et contribuent davantage à la productivité et à la croissance.

Performance économique dégradée

Sur un autre plan, le rapport rappelle que la performance économique de la Tunisie s’est dégradée tout au long des dix dernières années, donnant lieu à une décennie de perte de croissance.

Entre 2011 et 2018, la croissance du PIB a chuté à une moyenne de 1,7%, après s’être située à 3,5% entre 2000 et 2011, du fait du recul des résultats, précise le document. Et d’ajouter que de tous les secteurs de l’économie, à l’exception de l’agriculture, la performance économique est restée au point mort, en raison de l’important recul de la croissance de la productivité par rapport aux niveaux déjà modestes enregistrés avant la Révolution.

La faiblesse de l’investissement, le manque d’innovation, la nature limitée des orientations commerciales et la forte réglementation des activités économiques sont les principaux facteurs explicatifs de ce constat.

Plus particulièrement, l’investissement privé en pourcentage du PIB est passé, en moyenne, de 17,4% du PIB entre 2000 et 2010 à 14,9% du PIB entre 2011 et 2019.

Le pourcentage d’entreprises tunisiennes ayant introduit un nouveau produit ou service a baissé de moitié, passant de 28% en 2013 à 14% en 2019.

Les «vieilles» industries ont particulièrement été touchées (notamment alimentaires et textiles), tandis que quelques «nouvelles» ont pu afficher une certaine croissance de leur productivité.

Ce type de rapport de la BM, est produit pour les pays partenaires tous les cinq ans afin d’identifier les principaux défis et opportunités pour accélérer les progrès dans le rétablissement de la confiance, la satisfaction des aspirations et, en fin de compte, la contribution au double objectif du Groupe de la Banque mondiale de mettre fin à la pauvreté absolue, et de stimuler durablement la prospérité partagée, selon le communiqué publié à cette occasion.

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