Les prix de certains nouveaux médicaments mis sur le marché par les laboratoires pharmaceutiques internationaux ont souvent de bien meilleurs effets sur la maladie, mais leurs prix restent assez prohibitifs, surtout lorsque les caisses d’assurance maladie n’en remboursent pas les coûts.
Par Dr Mounir Hanablia *
L’Apixaban et le Rivaroxaban sont qualifiés de «nouveaux anticoagulants», dont la promotion dans notre pays est assurée au prix d’efforts considérables par les laboratoires producteurs.
Les anticoagulants préviennent la formation de caillots, et diminuent donc les risques de thromboses, qu’elles soient aux niveaux veineux (thrombophlébites) ou artériel (embolies).
Les nouveaux anticoagulants acquièrent toute leur importance prophylactique avec l’élévation du risque thrombo embolique, comme par exemple en post chirurgie orthopédique, ou dans la fibrillation auriculaire, qui est la perte du rythme régulier du cœur par une altération dégénérative de l’oreillette gauche.
Les antivitamines K bientôt supplantés
Depuis plusieurs décennies, ce sont les antivitamines K qui étaient utilisés pour l’anticoagulation orale, principalement l’acénocoumarol. Ainsi que leur nom l’indique, ils inhibent l’absorption de vitamine K au niveau digestif et par conséquent diminuent la coagulation dans le sang. La principale contrainte des antivitamines K est la nécessité de prélèvements sanguins réguliers pour vérifier la concordance de la dose reçue avec l’efficacité thérapeutique requise. Mais comme l’absorption se situe au niveau digestif, cette efficacité est susceptible de varier avec les aliments ingérés ou avec les modifications de la flore intestinale, par exemple dans le cas d’infections microbiennes ou parasitaires.
Néanmoins et globalement les antivitamines K avaient assuré leur mission avec succès pendant des années, au prix certes ainsi qu’on l’a dit d’une multiplication des examens de laboratoire. Ils sont néanmoins en voie d’être supplantés par les nouveaux anticoagulants qui eux agissent d’une manière différente.
L’information médicale prétend, études à l’appui, que ces nouveaux produits sont plus efficaces que les anciens, et que leurs inconvénients, les hémorragies et les saignements, sont moindres. Néanmoins il faut relever que leurs indications sont plus restreintes; ils demeurent contre-indiqués dans le rétrécissement mitral, certes de plus en plus rare, et dans les prothèses valvulaires cardiaques, dont l’implantation chirurgicale ne l’est pas autant que cela au niveau aortique, après la cinquantaine, même si elle s’effectue de plus en plus par voie transcutanée (TAVI).
Evidemment, ces deux restrictions sont assez importantes pour ne pas semer un doute sur la fiabilité réelle de ces médicaments dits anti Xa en raison de leur mode d’action.
Les contraintes du marché
L’autre contrainte qui a son importance demeure les prix de vente de ces produits, prohibitifs par rapport aux antivitamines K, même en tenant compte des examens de laboratoires économisés, et sans doute des hospitalisations consécutives aux surdosages et aux saignements.
Il faut à cet effet noter aux dernières nouvelles que la Caisse nationale d’assurance maladie ne les rembourse toujours pas, ce qui compte tenu des restrictions budgétaires, est compréhensible. Mais il est à parier que les antivitamines K vont progressivement disparaître du marché non par manque d’efficacité mais parce qu’ils deviennent commercialement de peu d’importance par rapport aux nouveaux produits en assurant des bénéfices nettement moindres (100 fois).
Le marché impose ses normes et soumet les pays en faillite à des contraintes supplémentaires en créant des besoins nouveaux sans forcément tenir compte du coût de la vie. On aurait certes pu supposer que les prix des nouveaux produits ne fussent pas très différents des anciens, mais il s’avère que dans les discussions avec les multinationales des médicaments, les autorités nationales ne disposent pas de marge de manœuvre véritable. C’est peut-être la rançon du progrès, auquel en l’occurrence de plus en plus seules les catégories aisées peuvent se soumettre.
Certes, au bout d’un certain nombre d’années les génériques apparaissent mais même à moitié prix du princeps, ils ne coûteraient que 50 fois le prix de l’acénocoumarol. Il faudrait donc peut être que l’exemple sud-africain avec la fabrication locale des antirétroviraux contre le Sida pousse les autorités des pays défavorisés à définir une gamme de médicaments stratégiques fabriqués localement afin de soustraire quelque peu leurs populations au diktat d’un marché mondial qui ne soucie que de ses bénéfices.
* Médecin de libre pratique.
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