Les Américains, qui tiennent visiblement à leur coopération, notamment sécuritaire et militaire, avec la Tunisie, semblent avoir décidé de baisser le ton avec le pouvoir en place à Tunis, où, selon leurs analyses, il n’y a pas encore d’alternative à Kaïs Saïed.
Par Ridha Kefi
Commentant, le 1er février 2023, la faible participation des électeurs aux dernières législatives en Tunisie (11%), le porte-parole adjoint principal du Département d’Etat, Vedant Patel, s’est contenté d’un vague appel du gouvernement tunisien à «s’engager dans un processus plus inclusif à l’avenir pour élargir davantage la participation politique.»
Tout en soulignant que «les États-Unis restent attachés au partenariat de longue date avec la Tunisie», M. Patel a déclaré : «Le second tour des élections législatives qui s’est déroulé ce week-end est une nouvelle étape dans le processus important et essentiel de restauration des freins et des contrepoids démocratiques du pays. Mais comme nous l’avons noté en décembre, la faible participation électorale reflète la nécessité pour le gouvernement de s’engager dans un processus plus inclusif à l’avenir pour élargir davantage la participation politique. Et nous allons continuer à soutenir les aspirations du peuple tunisien à un gouvernement démocratique et responsable qui protège les droits de l’homme et les libertés fondamentales, y compris la liberté d’expression, et préserve également l’espace pour la société civile.»
Pas de critique du président Saïed
Malgré l’insistance de l’un des journalistes présents à la conférence de presse, qui s’attendait à une critique envers le président Kaïs Saïed, pour avoir cumulé tous les pouvoirs entre ses mains, selon ses termes, M. Patel s’est gardé d’en faire de manière claire et directe, se contentant de répéter que «le faible taux de participation électorale reflète le besoin urgent pour le gouvernement de s’engager dans une voie plus inclusive à l’avenir». Traduire : «Si vous espérez une nouvelle critique du président Saïed, ce ne sera pas pour cette fois-ci».
Il faut dire que le nouvel ambassadeur des Etats-Unis, Joey Hood, dont la nomination avait provoqué une polémique en Tunisie, dans le contexte des critiques américaines du processus politique initié par le président Saïed avec la proclamation de l’état d’exception le 25 juillet 2021, allait présenter, quelques heures plus tard, ses lettres de créance au chef de l’Etat. Ce qui a d’ailleurs été fait, hier, jeudi 2 février, dans les règles strictes du protocole. Ceux qui s’attendaient à… une nouvelle crise diplomatique avec l’arrivée du diplomate américain à Tunis en ont finalement eu pour leurs frais.
Le déséquilibre des forces
Les Américains, qui tenaient visiblement à leur coopération, notamment sécuritaire et militaire, avec la Tunisie, semblent avoir décidé de baisser le ton avec Tunis. Pragmatiques, ils ont préféré tenir compte du déséquilibre des forces en Tunisie entre un pouvoir de plus en plus fermé sur ses certitudes et une opposition versatile et divisée et qui semble incapable de donner le change.
Washington, qui a beaucoup d’autres chats à fouetter, sans ironie aucune, sait que la politique, autant sinon plus que la nature, a horreur du vide. Et Kaïs Saïed, malgré la crise asphyxiante qui sévit dans son pays, a réussi, à force d’obstination et de ténacité, à faire le vide autour de lui. C’est là, on l’a compris, la seule réussite à mettre au crédit des trois premières années de son mandat. Le vide…
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