Il est tout de même surprenant de voir à quel point les partenaires et amis de la Tunisie ne comprennent pas les décisions du pouvoir exécutif dans notre pays, au point que, depuis sa nomination il y a une dizaine de jours, le ministre des Affaires étrangères, Nabil Ammar, ne fait que répondre à ces partenaires et amis qui, selon ses termes, ne respectent pas notre décision nationale souveraine.
Par Imed Bahri
Pour la seconde fois en moins d’une semaine, le ministre s’est exprimé, mercredi 15 février 2023, sur les inquiétudes dont ont fait part les deux principaux partenaires (et bailleurs de fonds) de la Tunisie, en l’occurrence les Etats-Unis et l’Union européenne, suite à la série d’arrestations effectuées depuis samedi dernier parmi les opposants politiques, les hommes d’affaires, les journalistes et les syndicalistes.
Nabil Ammar, qui s’exprimait lors d’une réunion avec le ministre espagnol des Affaires étrangères, de l’Union européenne et de la Coopération, José Manuel Albares Bueno, au siège de l’Union africaine à Addis-Abeba, en Éthiopie, en marge de sa participation à la 42e session du conseil exécutif de l’UA, a cru devoir souligner «l’importance pour les partenaires et amis de la Tunisie de comprendre et de respecter la décision nationale souveraine du pays», comme indiqué dans un communiqué de son département.
Reste que si les décisions souveraines tunisiennes sont à ce point incomprises c’est qu’elles posent problème, sont insuffisamment justifiées ou mal expliquées, et la responsabilité d’une telle incompréhension incombe d’abord aux autorités tunisiennes qui communiquent mal, ou ne communiquent pas du tout, et quand elles communiquent, elles le font si mal qu’elles peinent à se faire entendre. Et cela n’est pas valable seulement pour les récentes arrestations, encore inexpliquées même pour les Tunisiens, mais aussi pour des autres décisions à caractères économique ou social, les membres du gouvernement se cachant souvent derrière leur petit doigt et laissant au président de la république Kaïs Saïed le soin d’y aller avec ses postures colériques, ses manières frustes et ses termes belliqueux : corrompus, traitres, ennemis du peuple, vendus à l’étranger, etc.
Quand on a du mal nous-mêmes à expliquer nos propres décisions, on est d’autant mal à l’aise de reprocher à nos partenaires et amis de ne pas les comprendre ou de nous les reprocher.
Le hiatus est, sinon dans les décisions elles-mêmes, du moins dans notre incapacité à les expliquer, ce qui au final revient à la même chose. Car une décision juste et légitime impose sa logique à tous, partenaires, amis ou même ennemis. Et au rythme où vont les choses dans notre pays, on se demande si le nouveau chef de la diplomatie tunisienne ne va passer le plus clair de son temps à répondre aux uns et aux autres, comme un attaché de presse ou un chargé de communication. Une posture difficile à tenir longtemps dans un pays en crise et qui vit au jour le jour, en tendant la main à l’aide internationale pour survivre…
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