La communication de la part de la Tunisie aurait pu être plus fine et la diplomatie aurait dû être mise à contribution avant l’adoption de mesures fermes envers les résidents subsahariens illégaux. (Illustration : siège du ministère des Affaires étrangères à Tunis).
Par Elyes Kasri *
Un ami m’a confié que ce qui vient d’arriver (le déferlement en Tunisie d’immigrés subsahariens en direction de l’Europe) semble prévu depuis belle lurette. Mais le président Kaïs Saïed aurait pu procéder en douce, sans faire cet esclandre et sans nous transformer en parias, racistes et haineux envers nos frères africains.
Ma réponse a été que cette tendance de prise de la Tunisie entre le marteau européen et l’enclume de la solidarité africaine était perceptible depuis l’ère Ben Ali. Toutefois, la plus grande porosité des côtes tunisiennes depuis 2011 et la vague xénophobe suscitée par le flux migratoire en Europe de 2015, associées à la faiblesse des gouvernements post-révolution ont accentué les pressions sur la Tunisie avec le vœu des politiciens tunisiens d’être adoubés par les Européens et de bénéficier de leur assistance économique devenue de plus en plus urgente. D’où un déséquilibre stratégique et des prémices d’un marché défavorable à la Tunisie, car il a tendance à en faire le gendarme de l’Europe et un pendant idéologique de l’extrême droite européenne adepte de la thèse de la citadelle européenne.
La communication de la part de la Tunisie aurait pu être plus fine et la diplomatie aurait dû être mise à contribution avant l’adoption de mesures fermes envers les résidents subsahariens illégaux.
Si la diplomatie vient juste d’être remise en action avec la nomination du ministre Nabil Ammar après une longue période d’immobilisme et d’hibernation, il reste que les débordements à caractère raciste doivent être réprimés car ceux qui se donnent l’illusion de défendre l’intégrité de la Tunisie l’atteignent dans ce qu’elle a de plus noble et de plus valorisant à savoir celle d’un pays accueillant et ouvert, fermement attaché à son appartenance au continent africain auquel il a donné son nom et pour lequel il a longtemps été un modèle de politique éclairée et de progrès social.
Le préjudice est grave mais pas irrémédiable à condition d’un ressaisissement et d’une meilleure communication gouvernementale et d’une pédagogie de la tolérance et de notre appartenance au continent africain qui est communément considéré comme un espace de progrès et de croissance auxquels la Tunisie peut et doit contribuer par une politique volontariste et solidaire tant sur le plan bilatéral que multilatéral.
* Ancien diplomate.
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