La Tunisie sur la pente glissante de la xénophobie

La Tunisie ne doit pas donner à certains cercles étrangers et probablement locaux l’occasion d’instrumentaliser cette perception croissante d’un pays tournant le dos à son continent et se jetant dans les bras de l’extrême droite européenne xénophobe et carrément raciste. (Manifestation contre le racisme à Tunis, Ph. Reuters).

Par Elyes Kasri *

La sortie du président Kaïs Saïed, tout problématique qu’elle puisse paraître, pourrait s’avérer salutaire si elle aboutit à un processus de réflexion et d’introspection profondes au sujet de la relation de la Tunisie avec l’Afrique pas uniquement en tant que marché mais surtout en tant qu’espace civilisationnel, culturel, social et politique dont la Tunisie ne peut se démarquer ou se détacher.

Il est grand temps de se poser des questions sur la perception du comportement du Tunisien moyen et même des autorités publiques envers tout citoyen de peau noire y compris ceux de nationalité tunisienne.

Il est grand temps de se poser de sérieuses questions sur la perception orientale qui se propage insidieusement dans les esprits de nombreux Tunisiens d’une situation inférieure de tout ressortissant de peau noire.

La dynamique infernale

La Tunisie qui a interdit l’esclavage depuis 1846 et a longtemps été considérée comme un modèle par de nombreux dirigeants, politiciens et intellectuels africains, a perdu le siège de la Banque africaine de développement et risque de perdre d’autres institutions et manifestations africaines et même internationales y compris avec la Banque Mondiale si elle persiste dans ce qui donne l’impression d’une chasse aux noirs, étrangère à l’essence de la Tunisie considérée comme un carrefour de civilisations et connue pour son ouverture et son hospitalité.

La dynamique infernale entamée depuis quelques semaines semble annonciatrice d’une tempête aux conséquences incalculables, à moins d’un ressaisissement sérieux et sincère pour déraciner le racisme qui semble s’instiller insidieusement dans les esprits d’une certaine minorité surexcitée et vociférante.

Il est grand temps d’entreprendre une série de mesures audacieuses et crédibles pour contrer les effets des excès verbaux et des sévices commis à l’encontre des ressortissants subsahariens sur le sol d’Ifriqiya.

Une campagne diplomatique d’envergure doit être engagée avec des participations régulières du président Kaïs Saïed aux réunions au sommet de l’Union Africaine et une tournée de nos principaux partenaires africains en plus d’émissaires dans les pays concernés par cette vague de refoulement.

La pente glissante

Des initiatives diplomatiques méritent d’être engagées en direction des pays et institutions africains en vue de rechercher des solutions communes au profit de tous les pays africains y compris la Tunisie qui ne peut prétendre à la sale besogne de muraille de la forteresse Europe et de gendarme des frontières européennes.

L’identité et les intérêts supérieurs de la Tunisie risquent d’être sérieusement compromis par toute persévérance dans cette pente glissante ou de ce pourrait donner à certains cercles étrangers et probablement locaux l’occasion d’instrumentaliser cette perception croissante d’une Tunisie tournant le dos à son continent et se jetant dans les bras de l’extrême droite européenne xénophobe et carrément raciste.

Ancien ambassadeur.

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