Avec le début du ramadan, les ménages marocains, algériens et tunisiens auront du mal à approvisionner leurs garde-manger. L’inflation continue à faire grimper les prix des denrées alimentaires et à provoquer des pénuries.
Par Francisco Serrano
L’inflation a été amplifiée par l’invasion russe de l’Ukraine en février 2022. Le Maroc, la Tunisie et surtout l’Algérie sont les principaux importateurs de blé et ont vu la hausse des prix peser sur les budgets de l’État en 2022.
La hausse des prix des engrais et du transport a également fait grimper les coûts de production alimentaire à l’échelle mondiale. Mais au Maroc, en Algérie et en Tunisie, les semaines précédant le Ramadan ajoutent généralement à l’inflation, car les ménages s’approvisionnent pour les festivités pendant le mois sacré.
Algérie : la hausse des salaires dope l’inflation
En Algérie, l’Office national des statistiques a fait état d’une inflation annuelle globale de 9,49% en janvier, et l’inflation alimentaire a atteint 13,53%. Les Algériens ont été particulièrement pénalisés par le prix des produits frais qui, dans la capitale, Alger, a bondi de 23,58% sur un an.
Le pays dépense plus de 10 milliards de dollars par an pour importer de la nourriture, selon les estimations du Département de l’Agriculture des États-Unis. Les principales importations comprennent les céréales, le lait en poudre, l’huile de cuisson et le sucre.
Mais l’inflation en Algérie a également été alimentée par une injection d’argent dans le système, après que la hausse des prix de l’énergie a augmenté les revenus d’exportation du pétrole et du gaz du pays. Mourad Ouchichi, économiste et maître de conférences à l’Université de Bejaïa en Algérie, a déclaré à Al-Monitor : «Cet argent est distribué par le biais d’une augmentation nominale des salaires et des allocations de chômage. Le gouvernement utilise l’argent pour acheter la paix sociale, et cela a aggravé l’inflation».
Certains produits clés du Ramadan pèsent particulièrement sur les Algériens. Le prix des oignons en janvier a augmenté de plus de 96% sur un an, tandis que les prix des oranges ont bondi de 70%. Les prix de la viande d’agneau et des œufs ont augmenté respectivement de 43% et 33%, selon les chiffres de l’Office national des statistiques.
Tunisie : hausses des prix et pénuries cycliques
L’inflation annuelle en Tunisie a atteint 10,4% en février, les prix alimentaires augmentant de 15,6%. La crise économique du pays a dévalué la monnaie et laissé le gouvernement à court d’argent souvent incapable de payer les importations de produits subventionnés. Cela a entraîné des pénuries cycliques et des prix plus élevés.
En moyenne, la consommation des ménages en Tunisie augmente de 34% pendant le Ramadan. Mais la plupart des Tunisiens ont du mal à joindre les deux bouts. Le prix des huiles végétales en février a augmenté de 24,6% sur un an, celui du poulet de 25,3% et celui du lait de 16,1%.
Jeudi 16 mars courant, le ministère tunisien du Commerce a annoncé les prix de vente et les marges maximales pour les produits de base tels que les œufs, les fruits et le poulet jusqu’à la fin du Ramadan.
Maroc : une inflation dopée par la hausse des coûts de transport
Au Maroc, l’inflation annuelle s’est accélérée à 8,9% en janvier 2023, l’inflation alimentaire atteignant 16,8%. Outre les matières premières mondiales telles que le blé, l’inflation marocaine est également tirée par les coûts de transport et la fragmentation des canaux de distribution.
Depuis la suppression des subventions aux carburants en 2015, les prix intérieurs marocains des carburants ont fluctué en fonction des prix mondiaux. Parce qu’il importe plus de 90% des hydrocarbures qu’il consomme, le Maroc est particulièrement vulnérable aux flambées des prix de l’énergie et des transports.
Rachid Aourraz, économiste et chercheur non résident au Middle East Institute de Washington, a déclaré à Al-Monitor : «Si l’inflation continue de grimper au cours des prochains mois, il est fort probable que nous assisterons à des manifestations de rue.»
Le faux prétexte de la spéculation
Les gouvernements nord-africains savent depuis longtemps à quel point les augmentations soudaines des prix des denrées alimentaires peuvent déclencher le mécontentement populaire. Face à la flambée des prix, les autorités de la région ont réprimé la spéculation des commerçants.
En Tunisie, le gouvernement a adopté une loi en mars 2022 qui prévoit des peines de prison pouvant aller jusqu’à 30 ans pour les personnes ou groupes accusés de profit alimentaire. Les médias tunisiens montrent régulièrement que les forces de sécurité saisissent des denrées alimentaires dans des entrepôts et détiennent des spéculateurs présumés.
L’Algérie a également emprisonné des commerçants accusés d’acheter des produits subventionnés tels que de la semoule et des huiles de cuisine pour les revendre à profit dans la Tunisie voisine.
Mais la spéculation est l’aspect le plus simple de l’inflation à gérer, plutôt que son principal moteur. «On ne peut pas éliminer la spéculation avec une loi», dit Mourad Ouchichi. «Les gouvernements aiment présenter la spéculation comme la principale cause de l’inflation, principalement pour montrer qu’ils travaillent à lutter contre l’inflation.»
À moyen terme, l’augmentation de la production alimentaire intérieure augmentera la disponibilité et réduira les prix des denrées alimentaires. Mais pendant le Ramadan et au moins dans les mois à venir, les citoyens marocains, algériens et tunisiens continueront d’être confrontés à des choix difficiles à l’épicerie.
Traduit de l’anglais.
Source : Al-Monitor.
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