Tunisie : le président Kaïs Saïed accuse ses opposants de «séditionnisme»

En utilisant le mot «fitna» (discorde), qui plus est, à la mosquée Zitouna, et à la veille de l’Aïd Al-Fitr annonçant la fin du mois de Ramadan, le président Kaïs Saïed, semble vouloir assimiler ses opposants, sans directement les nommer, à des «séditionnistes».

Par Imed Bahri

Dans un discours prononcé à la mosquée Zitouna de Tunis et diffusé par la chaîne de télévision Watania dans la soirée du jeudi 20 avril 2023, le président Kaïs Saïed a salué le peuple tunisien et la nation islamique à l’occasion de l’Aïd Al-Fitr, en soulignant dans ses propos que le peuple tunisien «restera uni par la parole de vérité et de responsabilité».

«Il n’y a pas de place pour la ‘‘fitna’’, qui est plus grave que le meurtre», a souligné le chef de l’Etat dans une adresse limpide à ses opposants, dont beaucoup ont été arrêtés et son poursuivis pour complot contre la sûreté de l’Etat, délit passible de la peine de mort.

Ce recours au terme «fitna» n’est pas anodin. Ce mot arabe est utilisé pour désigner différents schismes politico-religieux, guerres civiles, rivalités et divisions entre les musulmans. Il peut également signifier trouble, révolte, agitation ou sédition.

C’est un terme à forte résonance religieuse et qui a une connotation négative dans l’imaginaire musulman. Car il renvoie habituellement au schisme politico-religieux et à la guerre civile subséquente ayant suivi l’assassinat du calife Othman, en l’an 656.

En utilisant le mot «fitna», qui plus est, à la mosquée Zitouna, et à la veille de l’Aïd Al-Fitr annonçant la fin du mois de Ramadan, le président Saïed, qui se croit porteur d’un message messianique, et aime s’identifier aux premiers califes de l’islam, et notamment Omar Ibn Al-Khattab, est sans doute conscient de la portée symbolique de ce mot. En fait, il cherche, ainsi, à assimiler, ses opposants, sans directement les nommer, à des «séditionnistes», terme, qui, faut-il le rappeler, est souvent utilisé par l’Etat islamique d’Iran pour désigner les dirigeants de l’opposition et leurs partisans.

L’allusion du président à Rached Ghannouchi, chef du mouvement Ennahdha et ex-président de l’Assemblée, arrêté trois jours plus tôt et mis en dépôt la veille dans le cadre d’un procès pour complot contre la sûreté de l’Etat, est, ici, on ne peut plus limpide. Ce dernier avait déclaré, lors d’une réunion politique publique quelques jours auparavant, que «la démocratie exige la participation de tous» et que «l’exclusion du parti Ennahdha, de l’islam politique ou de la gauche ou de toute autre partie serait un projet de guerre civile en Tunisie», mots qui ont été interprétés par le juge d’instruction près du tribunal de première instance de Tunis comme un appelle à la… sédition.  

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