Tunisie : l’Etat continue de s’endetter auprès des banques locales, est-ce la solution ?

Les banques locales sont une nouvelle fois venues au secours du budget de l’Etat en levant, dans le cadre d’un contrat de crédit syndiqué, un montant estimé à 400 millions de dinars tunisiens (MDT) en devises. Une solution extrême pour financer le budget de l’Etat et qui risque de mettre à mal la liquidité en devises des banques locales.

Par Imed Bahri  

Douze banques locales ont signé cet accord mardi 16 mai 2023 à Tunis lors d’une cérémonie présidée par le ministre des Finances Sihem Boughdiri Nemsia.

Ce prêt, le septième du genre contracté auprès des banques nationales au cours des cinq dernières années, s’inscrit dans le cadre du financement du budget de l’Etat, conformément aux dispositions de la loi de finances 2023, lit-on dans un communiqué du ministère des Finances.

Il prévoit la mobilisation de ressources d’emprunt extérieures et intérieures estimées respectivement à 14,8 milliards de dinars et 9,5 milliards de dinars, pour servir principalement à financer le déficit budgétaire (près de 7,5 milliards de dinars) et à rembourser le principal de l’emprunt extérieur (9,1 milliards de dinars) et la dette intérieure (6,6 milliards de dinars).

Jusqu’à fin février 2023, l’encours de la dette publique a augmenté de 10%, à 117,1 milliards de dinars, par rapport à la même période l’an dernier, selon des données récemment publiées par le ministère des Finances.

La dette intérieure représente 43,3% de l’encours total de la dette, tandis que la dette extérieure représente 56,7%.

La ministre s’est félicitée, à cette occasion, de la réponse positive des banques participantes, indiquant que ce prêt est la forme de financement appropriée en termes de conditions et de coût, en rappelant, à cet égard, le rôle clé du secteur financier et bancaire dans l’accompagnement des efforts de l’Etat pour préserver les équilibres financiers et soutenir l’activité économique.

Elle a ensuite évoqué le nouveau projet de code des changes qui permettra de renforcer l’efficacité du système des changes, d’alléger les procédures et d’améliorer le climat des affaires et des investissements en Tunisie.

Commentant cet accord dans un post publié hier sur sa page Facebook, l’expert bancaire et financier Ezzeddine Saïdane fait remarquer que :

«1- ce prêt, comme les autres qui l’ont précédé, se fait sur la base des dépôts à vue en devises des clients non résidents des banques tunisiennes. Il s’agit là d’opérations qui peuvent mettre à mal la liquidité en devises des banques, outre le problème de l’endettement excessif de l’État auprès des banques tunisiennes;

«2- ce nouveau prêt en devises va vraisemblablement servir à rembourser une échéance d’un précédent prêt en devises. Il s’agirait dans ce cas d’un report d’échéance et donc d’un rééchelonnement de la dette intérieure en devises;

«3- les échéances des autres prêts en devises (et en dinars d’ailleurs) accordés par les banques tunisiennes à l’État ont aussi toujours fait l’objet de report et donc de rééchelonnement;

«4- le communiqué du ministère des Finances ne précise ni le montant en devises du prêt, ni la monnaie, ni la destination, ni la durée, ni le taux d’intérêt, ni le mode de remboursement, ni même les noms des banques ayant fait le prêt. RIEN. POURQUOI ?;

«5- pour la première fois, le gouverneur de la Banque Centrale n’assiste pas à la cérémonie de signature du prêt syndiqué. Il y a lieu de se demander pourquoi».

Et Saïdane de conclure : «Il est clair qu’il s’agit là de solutions extrêmes pour faire face à la crise aiguë des finances publiques tout en continuant à refuser d’entreprendre les réformes qui sont aussi indispensables qu’inévitables et qui ont beaucoup trop tardé.»

Donnez votre avis

Votre adresse email ne sera pas publique.