Tunisie : la crise financière laisse des malades sans médicaments

Les Tunisiens malades sont confrontés à une lutte effrénée pour trouver des médicaments car l’État à court d’argent a réduit les importations, laissant les médecins dans l’incapacité de contrôler les problèmes de santé de leurs patients, qui se tournent vers les marchés informels pour trouver leurs médicaments. (Illustration : «La crise des médicaments est en passe d’être résolue», avait déclaré Saïed lors de sa visite à la Pharmacie centrale le 6 décembre 2022.)

Des centaines de médicaments manquent depuis des mois, selon les pharmacies, y compris des traitements importants pour les maladies cardiaques, le cancer et le diabète ainsi que des produits plus basiques tels que des collyres médicamenteux dont l’absence aggrave les maladies chroniques.

«La question des médicaments manquants est devenue très difficile pour les patients. Nous avons un vrai problème avec certains médicaments pour lesquels il n’y a pas de génériques disponibles», a déclaré Dhouha Maaoui Fourati, un médecin tunisien spécialisé dans les maladies du rein et de la tension artérielle.

Faourati a dû demander à des patients d’essayer de faire parvenir des médicaments d’Europe, y compris ceux utilisés pour contrôler des maladies pour lesquelles, selon elle, aucune bonne alternative n’est disponible en Tunisie.

Ces difficultés montrent comment l’aggravation des problèmes financiers de la Tunisie frappe les gens ordinaires et alimente la colère du public contre un État à peine capable de maintenir même les services de base.

Des pénuries périodiques

Depuis l’année dernière, la Tunisie a du mal à payer d’autres produits qui sont vendus à des tarifs subventionnés, provoquant des pénuries périodiques de pain, de produits laitiers et d’huile de cuisson, les réserves de devises étrangères étant passées de 130 jours d’importations à 93 jours.

La Tunisie veut un prêt de 1,9 milliard de dollars du Fonds monétaire international, sans lequel les agences de notation ont averti qu’elle pourrait faire défaut sur la dette souveraine, mais le président Kaïs Saïed a rejeté les principaux termes de l’accord et les donateurs affirment que les pourparlers sont au point mort.

La Tunisie importe tous les médicaments par l’intermédiaire de la Pharmacie centrale, qui appartient à l’État, qui fournit des médicaments aux hôpitaux et aux pharmacies du pays qui les propose aux patients à un tarif subventionné.

Le chef du Syndicat tunisien des pharmacies, Naoufel Amira, a déclaré que des centaines de médicaments ne sont plus disponibles, notamment pour le diabète, l’anesthésie et le traitement du cancer.

Amira et deux responsables de la Pharmacie centrale qui se sont exprimés de manière anonyme parce qu’ils n’étaient pas autorisés à parler aux médias, ont déclaré que l’organisme devait d’importantes sommes à des fournisseurs étrangers, qui, en réaction, avaient restreint leurs ventes à la Tunisie.

«Le problème est principalement financier», a déclaré Amira, ajoutant que la Pharmacie centrale devait environ 1 milliard de dinars aux fournisseurs. Les responsables ont déclaré qu’il devait environ 800 millions de dinars, ajoutant que les compagnies d’assurance publiques et les hôpitaux retardaient le paiement de leurs factures jusqu’à un an.

Depuis le toit de sa maison de Tunis, le soldat à la retraite Nabil Boukhili a ouvert une bourse de médicaments non officielle pour son quartier en coordination avec des médecins locaux. «Nous avons des dizaines de personnes qui viennent ici quotidiennement pour obtenir des médicaments», a-t-il déclaré.

Il se procure des médicaments auprès de personnes voyageant à l’étranger ainsi que des restes de pilules auprès de personnes qui ont terminé leur propre traitement, le distribuant gratuitement aux personnes qui peuvent présenter une ordonnance.

«Nous ne demandons que des médicaments. Est-ce trop ?»

Alors que Reuters interviewait Boukhili, une femme est arrivée ayant besoin de médicaments pour un problème de thyroïde. «Je suis sans ce médicament depuis plus d’une semaine», a déclaré Najia Guadri, ajoutant qu’elle se sentait incapable de s’en passer.

Assis au domicile de ses parents à Tunis, Abdessalem Maraouni a décrit comment un manque de collyres médicamenteux l’a exposé au risque de cécité et l’empêche de sortir, l’obligeant à abandonner ses études de droit à l’université.

«Ce pays ne peut même plus fournir une boîte de médicaments», a-t-il déploré, assis dans la modeste maison familiale ornée d’affiches de son club de football préféré mais incapable de voir des objets à plus de quelques mètres.

Le jeune homme de 25 ans n’a pas trouvé le médicament, ni une alternative, depuis six mois et a dû s’approvisionner auprès de personnes voyageant à l’étranger, payant bien plus qu’il ne le ferait dans les pharmacies tunisiennes et rationnant son utilisation.

Le père de Maraouni, Kamel, a pleuré en décrivant comment l’incapacité de l’État à importer des médicaments avait nui aux perspectives de son fils. «Nous ne demandons pas à l’État de l’argent ou de grands endroits où vivre. Nous ne demandons que des médicaments. Est-ce trop ?», s’est-il interrogé.

Traduit de l’anglais.

Source : Reuters.

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