Selon deux experts économiques, l’offre d’aide de l’Union européenne (UE) à la Tunisie annoncée il y a quelques jours à Tunis sert surtout les intérêts du Vieux continent au détriment de l’avenir de son voisin du sud dont le sort lui importe peu.
Dans une lettre publiée par le Financial Times aujourd’hui, mercredi 14 juin 2023, Pr Hachemi Alaya, fondateur et éditeur d’Ecoweek (Tunis), et Francis Ghilès, chercheur invité à King’s College (Londres) critiquent l’offre d’aide de l’UE à la Tunisie, annoncée samedi dernier, lors de la rencontre au Palais de Carthage entre le président de la république Kaïs Saïed, d’un côté et de l’autre, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, la Première ministre Italienne Giorgia Meloni et le Premier ministre néerlandais Thomas Ruud.
Les deux auteurs parlent d’un «jeu de poker menteur qui illustre l’incapacité de l’UE à relever le défi qui se dresse sur sa frontière sud. La situation financière désastreuse de la Tunisie, dont les dirigeants successifs sont responsables, a privé la Tunisie de tout levier sérieux».
Ils rappellent l’offre d’aide faite par l’Occident, en 2011, à la Tunisie et à l’Égypte, quelques mois après la chute de leurs autocrates Ben Ali et Moubarak, soit 20 milliards de dollars, chiffre qui, selon le président français Nicolas Sarkozy, pourrait être doublé si l’Arabie saoudite et les États du Golfe versaient 10 milliards de dollars.
La différence entre cette somme et celle d’un peu plus d’un milliard de dollars que l’UE a promise à la Tunisie le week-end dernier prouve que la politique de l’UE est «guidée par les craintes d’une forte augmentation de l’immigration clandestine en provenance des côtes tunisiennes plutôt que par la volonté de promouvoir un partenariat plus ambitieux avec ce pays.»
Selon Alaya et Ghiles, trois points plaident en faveur de cette interprétation du paquet annoncé dimanche par les dirigeants européens à Tunis.
«Premièrement, la Tunisie s’engagera à faire en sorte qu’aucun immigrant subsaharien dans le pays ne réussisse à s’installer en Italie, un engagement similaire à celui que Bruxelles a pris avec la Turquie en 2015. L’Algérie et le Maroc ont été inébranlables dans leur refus d’agir en tant que gendarme de l’UE.
«Deuxièmement, le programme d’aide, axé sur l’investissement industriel, sera axé sur la production d’énergie non renouvelable destinée à l’exportation vers l’Europe, et non pour les besoins locaux.
«Et troisièmement, l’accès plus facile des Tunisiens au réseau d’échange d’étudiants Erasmus ne peut qu’accélérer ce qui est déjà une énorme fuite des cerveaux, entravant ainsi l’avenir économique de la Tunisie.»
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