Drive de Nicolas Winding Refn : un film culte en devenir

Je suis inscrit dans plusieurs groupes Facebook dédiés au cinéma et qui rassemblent des dizaines de milliers de cinéphiles. Et, depuis quelque temps, le nom de ce film revient régulièrement, non pour être vilipendé, mais pour susciter un concert d’éloges et un enthousiasme quasi général.

Par Mohamed Sadok Lejri *

Pourtant, à sa sortie en 2011, et malgré le grand prix de la mise en scène qu’il a remporté au Festival de Cannes, Drive n’a pas obtenu le succès escompté. C’est le genre de film contemplatif qui bonifie avec le temps et qui ne rencontre le succès qu’il mérite que plusieurs années après sa projection dans les salles.

La légende de Drive est en train de connaître le même sort que celle de Fight Club. En effet, le film du réalisateur danois Nicolas Winding Refn est sur le point de devenir un film culte, et ce, plusieurs années après sa sortie dans les salles.

Un voyou solitaire

Personnellement, ce n’est que quelques mois plus tôt que j’ai regardé ce film qui, mine de rien, est vieux de douze ans. Il faut dire que j’avais une antipathie assez prononcée, et finalement non fondée, pour l’acteur Ryan Gosling, tête d’affiche de ce long-métrage. Les quelques films que j’avais vus de lui m’ont laissé un goût amer. Je l’ai trouvé excellent dans Drive, un film que j’ai beaucoup aimé in fine ! Et j’ai surtout bien apprécié le personnage incarné par Ryan Gosling : un marginal taiseux et désabusé du monde, qui vient de nulle part et qui gagne sa vie en travaillant comme mécanicien dans un garage tenu par un cabotin boiteux (Bryan Cranston) et trempé dans des combines assez louches.

As du volant, le driver arrondit ses fins de mois en exécutant des cascades pour le cinéma et en participant à des casses. A chaque cambriolage, il donne toujours cinq minutes aux malfrats pour lever le camp, pas une seconde de plus. Pour le leur faire savoir, il prononce toujours la même phrase, avant l’opération, sur un ton ferme et catégorique : «Je vous donne cinq minutes.» Cette phrase nous éclaire un peu sur le caractère du personnage.

C’est un voyou solitaire, mais qui a un côté justicier, un redresseur de torts capable du meilleur comme du pire. D’ailleurs, dans l’une des plus belles scènes de Drive, il se transforme en monstre dans un ascenseur, juste après un beau moment de tendresse.

Ange et démon

En effet, la scène du baiser au ralenti qui précède l’horreur est d’une beauté époustouflante. Le contraste voulu par le réalisateur donne un côté irréel à cette scène tellement elle sort de l’ordinaire et nous instruit sur l’ange et le démon qui se disputent l’âme égarée du Driver. Car, derrière le sourire innocent du protagoniste, on sent qu’il est en proie des démons intérieurs.

Le réalisateur produit beaucoup d’émotion et exprime des sentiments profonds à travers le silence qui, dans ce film, est on ne peut plus éloquent. Il n’a pas eu besoin de faire de belles tirades pour exprimer à sa voisine, une femme dont le mari est en prison et qui élève seule son enfant, son amour franc et inconditionnel.

Le silence est aussi important que les personnages du film, il exprime des sentiments affectueux, crée des moments de tension et d’angoisse et installe le doute et la suspicion.

La mise en scène est originale, elle tranche avec une certaine manière de filmer à l’américaine, devenue un peu trop cliché, et Nicolas Winding Refn excelle dans l’esthétisation de la violence. Le réalisateur danois s’est avéré être un fin esthète, un virtuose de l’image. Il allie une maîtrise technique parfaite à une grande sensibilité et un style lyrique qui sont de moins en moins courant en ces temps tapageurs.

La bande originale, quant à elle, est tout bonnement envoûtante. Elle nous berce tout le long du film et rythme ce dernier avec beaucoup de grâce et de sensualité. Ce film ne marquera pas l’histoire du cinéma par son scénario, lequel est un peu trop superficiel et bancal, mais s’apprête à devenir un film culte grâce au talent et à la sensibilité du réalisateur, mais aussi grâce à la performance de Ryan Gosling et à sa bande originale qui est tout bonnement géniale.

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