En Tunisie, le protectionnisme financier à encore de beaux jours devant lui

Permettre à tous les Tunisiens d’ouvrir des comptes bancaires en devises «ne se produira pas dans un avenir proche, a déclaré le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), Marouane Abassi, car, a-t-il justifié, son honorable institution doit préserver ses réserves en devises.

«Cependant, nous sommes pleinement engagés et aiderons les investisseurs et les entreprises en quête d’internationalisation à ouvrir de tels comptes», s’est-il empressé d’ajouter, lors d’un débat sur «Les défis, opportunités et risques économiques de la Tunisie – visions et réalisations», organisé par la Chambre tuniso-allemande de l’industrie et du commerce (AHK Tunisie) jeudi 22 juin 2023, à Tunis.

Des efforts sont également faits pour que les particuliers et les entreprises opérant dans les secteurs des services et des nouvelles technologies ne quittent pas le pays, et ce dans le cadre du nouveau code des changes, dont on annonce la promulgation depuis belle lurette sans qu’on en voie encore la couleur.

Libéralisation progressive du dinar

Raoudha Boukadida, directeur des opérations de change à la BCT, a souligné, de son côté, que l’accès aux comptes en devises pour les Tunisiens sera possible pour certains individus, mais pas pour l’ensemble de la population.

Ce n’est pas là de la ségrégation, serions-nous tentés d’ajouter, mais une forme de protectionnisme d’Etat, qui ne craint pas de bloquer une économie déjà en panne.

«Nous n’en sommes pas encore là. Nous donnons la priorité aux personnes exerçant certaines activités professionnelles. Grâce à des comptes en devises, elles pourront financer des investissements à l’étranger, acquérir des biens immobiliers à l’étranger et effectuer toute autre dépense courante ou en capital», a expliqué Mme Boukadida, ajoutant que la nouvelle loi des changes, actuellement en cours de révision par le gouvernement, «va progressivement libéraliser le dinar, compte tenu de la situation économique assez compliquée du pays».

Cela contribuera à améliorer le climat des affaires du pays, a-t-elle indiqué, notant que la participation étrangère au capital des entreprises établies en Tunisie et opérant dans des secteurs non réglementés par la loi, tels que les TIC, ne nécessitera plus l’agrément de l’institution émettrice. «Cette mesure est un pas en avant qui va encourager les investissements», a-t-elle déclaré. Elle aurait bien pu citer à ce propos le président de la république Kaïs Saïed, qui a déclaré un jour, sur un ton ironique : «On ne cesse d’encourager l’investissement, qui rechigne à s’encourager lui-même», l’administration publique veillant à tout bloquer avec le zèle tatillon qu’in lui connaît.  

Concept révisé de résidence

Le responsable de la BCT a noté que le concept de résidence pour les ressortissants tunisiens a été révisé dans la nouvelle réglementation des changes pour encourager la mobilité et réduire la durée minimale de séjour dans le pays d’origine. L’objectif est de permettre aux Tunisiens, notamment aux jeunes, de travailler depuis la Tunisie et de bénéficier des mêmes avantages que ceux qui travaillent depuis l’étranger. Cette mesure vise à lever les ambiguïtés et les difficultés concernant le statut et les droits des personnes qui travaillent, parfois à distance, avec des entreprises étrangères. Ce qui est la moindre des choses, et l’on s’étonne qu’on tarde encore à faire ce pas.  

Boukadida a aussi déclaré que le projet de loi propose également d’accorder le statut de non-résident «permanent» à tous les investisseurs étrangers en Tunisie, afin de leur permettre de conserver leur statut de non-résident quelle que soit la durée de leur séjour, évitant ainsi les problèmes liés au statut de résident.

S’agissant des «engagements bancaires» accordés aux non-résidents, la responsable a souligné que l’une des priorités de la Banque centrale est d’inscrire cette proposition dans la nouvelle loi sur les changes. Si elle est approuvée dans le cadre de ce projet, une circulaire de la BCT précisera les conditions dans lesquelles les banques locales pourront s’engager pour le compte de leurs clients non-résidents.

Rémunération négociable pour les comptes en devises

Concernant la rémunération des comptes en devises ouverts au nom de personnes physiques ou morales non-résidentes, il a été précisé que l’idée est de laisser le choix à la banque et à son client. Il s’agit d’une opération commerciale qui peut être négociée entre la banque et le client.

Il a en outre été précisé que la rémunération des comptes en devises, ainsi que des dépôts à terme et à vue, est librement négociée avec les titulaires de comptes sur la base des taux en vigueur sur le marché conformément aux dispositions applicables, y compris celles relatives à l’organisation et au fonctionnement des marchés des changes nationaux.

Le projet de révision de la loi des changes s’inscrit dans le cadre de «l’amélioration du climat des affaires, l’adaptation de la législation des changes aux évolutions législatives nationales et internationales et la levée des divers obstacles qui entravent les échanges commerciaux et financiers des entreprises tunisiennes avec les entités étrangères», selon le Premier ministère. Il vise aussi à moderniser le système de change et à réaliser la libéralisation complète des échanges financiers avec les entités étrangères, tout en maintenant l’équilibre macroéconomique.

D’après Tap.

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