Le projet d’accord sur la migration convenu entre la Tunisie et l’Union européenne (UE) ne va pas être signé demain la veille. Et pour cause : la Tunisie, qui en a reporté l’examen, ne semble plus pressée de le ratifier. Pourquoi ?
Par Imed Bahri
Evoquant ce projet d’accord, une source européenne, citée par l’agence italienne Ansamed, a déclaré, sur un ton sceptique, que «la Tunisie a demandé plus de temps pour examiner le texte du Mémorandum et j’ai donc l’impression que les négociations prennent plus de temps que prévu».
L’urgence d’un report
D’ailleurs la visite à Tunis du commissaire européen à l’élargissement, Oliver Varhelyi, pour faire avancer l’examen et la signature du protocole d’accord sur la migration a été reportée, à la demande de la Tunisie, officiellement en raison de la fête de l’Aid Al-Adha, célébrée les 28 et 29 juin. Le protocole d’accord ne sera donc pas prêt avant la réunion du Conseil européen prévu pour les 29 et 30 juin à Bruxelles et au cours duquel l’accord devait être examiné et adopté par l’exécutif européen.
La demande de report exprime-t-elle une hésitation de la part de l’exécutif tunisien, qui, après s’y être engagé solennellement, commence à en découvrir les failles et les pièges ? On peut sérieusement le penser, d’autant plus que, contrairement aux responsables européens, les Tunisiens gardent le secret sur les termes de l’accord et évitent d’engager le moindre débat à son sujet, ni au sein du gouvernement ni au sein du parlement, qui ne l’ont d’ailleurs pas encore examiné.
Ce projet d’accord convenu lors d’une rencontre, au début de ce mois, entre le président de la république Kaïs Saïed et la présidente de la Commission européenne Ursula van der Leyen, qui était accompagnée des premiers ministres italien Giorgia Meloni et néerlandais Mark Rutte, porte sur une aide financière globale de 1,1 milliard d’euros dont 900 millions d’euros de prêt, en contrepartie d’une coopération plus étroite de la Tunisie dans la lutte contre la migration clandestine à partir de ses côtes vers l’Italie.
Une aide très négligeable
Ce projet d’accord a été très critiqué par les partis d’opposition et les acteurs de la société civile en Tunisie en ce qu’il va transformer le pays sud-méditerranéen, d’où transitent les migrants d’Afrique et du Moyen-Orient, en un grand centre de rétention des migrants renvoyés d’Europe, avec les problèmes que l’on imagine et que la Tunisie, qui fait face à de grosses difficultés économiques, financières et sociales, aura beaucoup de mal à gérer. Problèmes au regard desquels, soit dit en passant, l’aide financière promise par l’Europe, et qui va aggraver l’endettement du pays plus qu’elle ne va desserrer la pression financière qu’il subit, peut être considérée comme très négligeable voire insignifiante. Ce qui a poussé certains commentateurs à parler de «poker menteur» voire de «marché de dupes» où notre pays, en position de faiblesse, aura à jouer le mauvais rôle, «à l’insu de son plein gré».
Il n’y aura pas, en tout cas, de quoi donner sens à la prétention du président Saïed de défendre la souveraineté nationale ou à son refus de faire jouer à la Tunisie le rôle de garde-frontière de l’Europe.
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