Le dossier brûlant de l’immigration a été au cœur des discussions entre Kamel Feki et Matteo Piantedosi. Alors que des premiers pas sont faits pour concrétiser le mémorandum, les appels d’alarme des organisations non gouvernementales (Ong) pour la protection des migrants se multiplient.
Par Hssan Briki
Le mercredi 19 juillet 2023, le ministre de l’Intérieur tunisien, Kamel Feki, s’est rendu à Rome accompagné d’une délégation de hauts cadres de son département pour rencontrer son homologue italien, Matteo Piantedosi.
Cette rencontre entre la Tunisie et l’Italie marque un premier pas significatif dans le processus de concrétisation du dernier mémorandum d’entente Tunisie – Union européenne (UE), mais elle intervient également dans un contexte où des Ong continuent d’exprimer des inquiétudes sur la situation des migrants dans notre pays.
La réunion entre Feki et Piantedosi a offert une opportunité pour discuter directement de la mise en œuvre des termes du mémorandum et de chercher des solutions pour améliorer la gestion de la crise migratoire dans la région. Les hauts cadres sécuritaires des deux pays ont donc commencé à aborder des questions essentielles telles que la sécurité aux frontières et les défis posés par les réseaux de trafiquants d’êtres humains. Cette rencontre a été un pas en avant pour établir un dialogue constructif et renforcer la coopération dans la gestion de la crise migratoire.
Un processus d’expulsion sans limite
Cependant, cet avancée a eu lieu pendant que des Ong, notamment Human Rights Watch (HRW), ont continué à faire part de leurs inquiétudes quant au traitement des migrants en Tunisie, où, selon elles, ils ne bénéficient pas de la protection prévue dans les conventions internationales y afférentes, dont notre pays est signataire. HRW a en effet documenté des cas préoccupants de violences, de traitements inhumains et dégradants, ainsi que de violations des droits de l’homme envers les migrants sur le territoire tunisien. Ces allégations ont suscité des appels urgents de la part de l’Ong pour que l’UE cesse de soutenir la Tunisie dans deux rapports publiés de suite, dont le premier le 19 juillet 2023, et un deuxième le 20 juillet 2023.
Romdhane Ben Amor, porte-parole du Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES), a également exprimé, dans une déclaration sur Mosaïque FM, ses préoccupations concernant la transparence du processus de signature du mémorandum. Selon lui, cet accord a été conclu sans la participation de la société civile ni la tenue d’un dialogue social préalable, ce qui soulève des interrogations quant à sa légitimité et à la transparence de son processus d’élaboration.
Ben Amor a aussi exprimé ses craintes sur les abus que l’accord va légitimer contre les immigrés tunisiens en situation irrégulière dans toute l’Europe en ces termes : «Avec cet accord, tous les pays européens pourront expulser les Tunisiens en situation irrégulière, et des opérations de recherche d’identité tunisienne seront lancées dans l’espace Schengen sans garanties légales… C’est un projet qui menace des milliers de Tunisiens présents en Europe de manière irrégulière, car l’accord soutiendra le processus d’expulsion sans limite.»
Les appels urgents de HRW, et surtout des Ong tunisiennes qui ne sont pas accusées de mauvaise foi, soulèvent des questions importantes sur la manière dont la coopération entre la Tunisie et l’UE peut être réalisée tout en assurant la protection des droits humains des migrants.
Négociations dans un climat difficile
Ces préoccupations légitimes nécessitent une attention et une réponse appropriée de la part des parties impliquées dans la mise en œuvre du mémorandum. Il est essentiel que les discussions en cours prennent en compte ces inquiétudes pour garantir une approche équilibrée et respectueuse des droits de l’homme dans la gestion de la crise migratoire.
La dualité de l’avancement vers la concrétisation du mémorandum se dessine clairement sous la pression des appels urgents des ONG, remettant en question le futur de cette coopération migratoire.
Les discussions en cours sont à la fois empreintes d’espoir et confrontées à des défis complexes, ce qui rappelle que la route vers la concrétisation peut être semée d’embûches. Dans un climat difficile, les négociations commencent par des pas délicats, mais cruciaux, afin de trouver un équilibre entre les intérêts sécuritaires et la protection des droits fondamentaux des migrants. L’attention portée aux préoccupations soulevées par les Ong est essentielle pour construire une coopération équilibrée et respectueuse des droits de l’homme dans la gestion de la crise migratoire.
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