La Tunisie s’endette pour… rembourser ses dettes

La Tunisie a, à ce jour, remboursé 42% des prêts devant être réglés cette année, qui sont estimés à 20 milliards de dinars (loi de finances 2023).

Par Imed Bahri

C’est ce qu’a déclaré la ministre des Finances, Sihem Boughdiri Nemsia, lors d’une séance tenue samedi 29 juillet à l’Assemblée des représentants du peuple (APR) pour examiner un projet de loi portant approbation d’un accord de prêt signé le 20 juillet entre la Tunisie et l’Arabie saoudite pour financer le budget de l’Etat.

La Tunisie doit rembourser un prêt d’une valeur de 560 millions de dinars, le 4 août prochain, a indiqué la ministre, qui semble très satisfaite et même fière de son travail, ajoutant que le gouvernement travaille dur pour lever des ressources financières et rembourser les prêts arrivés à échéance. Et on est, bien sûr, censés applaudir des deux mains et l’en remercier…

Financer les dépenses faramineuses de l’Etat

Nemsia a, par ailleurs, précisé que les ressources extérieures représentent environ 40% du total des emprunts réalisés pour financer le budget de l’Etat pour l’exercice en cours, étant entendu que 60% du total de ces emprunts réalisés ont été obtenus auprès des banques tunisiennes, «ce qui a réduit les liquidités disponibles pour financer l’économie», déplorent les acteurs économiques.  

La mobilisation des ressources extérieures se poursuivra jusqu’à la fin de l’année, a souligné Nemsia, qui ne semble pas se poser de questions sur les conséquences du surendettement sur la situation générale dans le pays, l’Etat s’étant montré jusque-là incapable de financer ses dépenses faramineuses et parfois inutiles et improductives autrement qu’en sollicitant des prêts extérieurs.

S’agissant des entreprises publiques, dont la majorité sont mal gérées et déficitaires, la ministre a indiqué qu’elles font partie des priorités du gouvernement, précisant que le programme d’audit a été achevé pour la plupart d’entre elles et que les rapports sont prêts. Il reste cependant à décider de leur sort, sachant que le président de la république est catégoriquement opposé à leur privatisation, partielle ou totale.

Nemsia, en bon soldat, n’a pas d’opinion personnelle sur le sujet, et si elle en a, elle se gardera bien de l’exprimer : son rôle à elle consiste à mobiliser les emprunts extérieurs pour les jeter au fond du puits des déficits publics, sans état d’âme aucune, et sans se soucier de la dette que nous sommes en train de léguer aux futures générations.

C’est ainsi, on le sait, que sont gérés les Etats faillis.

Chronique des prêts obtenus ou espérés

Pour rester dans cette chronique de l’endettement, il semble que l’Assemblée n’a rien d’autres à faire qu’approuver les projets de lois relatifs aux conventions de crédits convenus avec des instances internationales. Hier, elle a adopté le projet de loi n° 22/2023 approuvant la convention de crédit conclue le 20 juillet 2023 entre la Tunisie et l’Arabie saoudite pour financer le budget de l’Etat, avec 116 voix pour, 3 abstentions et 1 contre.

Il s’agit d’un prêt bonifié de 400 millions de dollars (1 240 millions de dinars, MDT), avec un taux d’intérêt de 5%, remboursable sur 7 ans, dont 2 ans de différé d’amortissement.

Le financement saoudien comprend également une subvention d’un montant de 100 millions de dollars (300 MDT), soit 20% du financement global).

L’Assemblée a aussi approuvé, lors de la même session plénière, un autre projet de loi portant approbation d’un accord de prêt avec la Banque africaine de développement (BAD) d’une valeur de 87,100 millions de dollars, soit 267,56 MDT, pour contribuer au financement de la Projet d’appui au développement inclusif et durable du secteur des céréales (Padific).

Le projet de loi a été approuvé avec 84 voix pour, 2 contre et 18 abstentions.

Ce prêt sera remboursé sur 24 ans, avec un différé d’amortissement de 4, 5 ans, et un taux d’intérêt variable, qui sera calculé par la Banque à chaque échéance, à compter du 15 juillet 2028.

Ce prêt permettra à la BAD de contribuer à 74% du coût du projet Padific, tandis que l’Etat apportera la somme de 30,421 millions de dollars (26% du coût), qui servira principalement à payer les salaires des cadres concernés, et d’acquérir les équipements logistiques, les moyens de transport et de stockage nécessaires.

Le coût total du projet s’élève à 117,521 millions de dollars hors taxes, soit l’équivalent d’environ 361 MDT.

La mise en œuvre du Padific permettra à la Tunisie d’augmenter la production de blé dur de 1,6 million de quintaux, d’orge de 1,2 million de quintaux, d’huile végétale de 18 000 quintaux et de tourteaux de 42 000 quintaux. Cela aidera également le pays à réduire les pertes post-récolte et de stockage, économisant environ 115 000 quintaux de céréales.

Le projet réduira également les pertes après récolte grâce à la construction d’un nouveau silo à Jebel Jeloud et à la réhabilitation de deux silos portuaires à Radès et Bizerte. Et il renforcera le transport céréalier par voie ferrée par l’acquisition de 30 nouveaux wagons.

Par ailleurs, le projet vise à soutenir les capacités des acteurs du secteur céréalier, leur permettant de renforcer leur résilience face aux chocs externes et au changement climatique.

Retard dans le mise en œuvre des réformes

La loi de finances 2023 prévoit la mobilisation de 23,5 milliards de DT par des emprunts intérieurs et extérieurs estimés respectivement à 9,5 milliards de DT et 14,8 milliards de DT (dont 10,359 milliards de DT pour soutenir le budget de l’État).

La levée de ces ressources a été quelque peu retardée, étant donné que la plupart des partenaires financiers conditionnent l’octroi de nouveaux financements à la conclusion d’un accord avec le Fonds monétaire international (FMI) pour un prêt de 1,9 milliard de dollars, que le gouvernement sollicite depuis de deux ans, mais qui semble se heurter à un grand écueil : le retard mis par la Tunisie dans le mise en œuvre des réformes structurelles convenues avec l’instance financière internationale et les déclarations intempestives du président Kaïs Saïed contre les «diktats» du FMI et le système financier international.

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