Tunisie-FMI : Saïed contre Saïed !

En Tunisie, le président de la république accapare tous les pouvoirs, tout en étant le principal opposant au gouvernement qu’il a lui-même nommé. Une situation assez inédite dans l’histoire politique de l’humanité. Et qui crée des fritures sur les plans intérieur et extérieur…    

Par Hssan Briki

Malgré un accord préliminaire obtenu au niveau des experts en octobre dernier, les négociations de la Tunisie et le Fonds monétaire international (FMI) pour un nouveau crédit de 1,9 milliard de dollars piétinent toujours. Et pour cause : l’incompréhension reste totale entre les deux parties.

La Première ministre italienne, Georgia Meloni, a déclaré lors d’une conférence de presse à l’ambassade d’Italie à Washington, à la suite d’une réunion bilatérale qu’elle a eue à la Maison Blanche avec le président américain Joe Biden, jeudi 27 juillet 2023, que les États-Unis ont montré une position «très ouverte» concernant les initiatives italiennes au sujet de la situation en Tunisie. Elle affirme avoir constaté un grand intérêt et un soutien pour les initiatives que prend l’Italie en particulier celles mises en œuvre en coopération avec la Commission européenne.

C’est ce que rapporte l’agence de presse Nova, qui ajoute que la cheffe du gouvernement italienne a souligné que la Tunisie traverse une période difficile et risque un défaut financier. «Le dialogue qui a permis de parvenir à un accord entre les autorités tunisiennes et le FMI n’a pas été facile, en raison de l’approche adoptée par les deux parties», a-t-elle ajouté. Elle ne croyait pas si bien dire…

Le FMI n’est pas dans le Coran 

En effet, le désaccord sur les modalités du prêt du FMI et la Tunisie semble persister. Le président Kaïs Saïed donne l’impression de vouloir mettre l’accord entre parenthèse et de rejeter les «diktats» du Fonds, qui conditionne l’octroi du prêt à la mise en place de réformes économiques, notamment la levée de certaines subventions étatiques et la réduction de la masse salariale dans le secteur public.

«En ce qui concerne le FMI, les diktats provenant de l’étranger et qui ne mènent qu’à davantage d’appauvrissement sont inacceptables», a ainsi déclaré le président, le 6 avril dernier. Il a fait depuis plusieurs autres déclarations dans lesquelles il opposait une fin de non recevoir aux exigences du prêteur international. Telle que son affirmation lors d’un entretien téléphonique, le 14 juin, avec le président du Conseil européen, Charles Michel, selon laquelle «les accords de Bretton Woods ne sont pas une fatalité et ne déterminent pas le destin de l’humanité», ainsi que sa déclaration, le 13 juin, à Redeyef, devant l’usine de phosphate : «Je le dis haut et fort, devant le monde entier, on ne se prosternera que devant Dieu tout puissant. Il n’y a pas une sourate dans le Coran qui s’appelle FMI. Avec nos moyens, on imaginera des solutions où vous serez des acteurs. C’est votre rôle, on peut mourir mais on ne tend pas la main aux autres. Il faut qu’ils nous respectent».

Le président Saïed ne rate donc aucune occasion pour rappeler qu’il est fermement opposé à un accord avec le Fonds selon les conditions de celui-ci. 

Un seul Etat, deux discours 

Les membres du gouvernement, qui continuent d’insister sur la nécessité d’obtenir un accord avec le FMI, semblent en désaccord total avec le président Saïed sur cette question. C’est le cas notamment du ministre de l’Economie et de la Planification, Samir Saïed, qui a déclaré à l’Assemblée, le 28 juillet, lors de sa participation à une séance plénière sur le projet de loi concernant l’adhésion de la Tunisie à l’accord sur la création de l’Africa Finance Corporation (AFC) : «Si aucun accord n’était conclu, que ce soit avec le FMI ou avec une alternative inexistante à ce jour, notre note souveraine serait abaissée», sachant qu’elle est aujourd’hui au plus bas : CCC- (Fitch Rating).

«La Tunisie ne pourrait pas recourir aux marchés internationaux pour emprunter. L’accord est nécessaire pour disposer des ressources nécessaires à la mise en œuvre du plan de développement», a insisté le ministre. Qui a ajouté : «Celui qui a une alternative au FMI n’a qu’à la proposer», comme s’il s’adressait, de manière implicite, au président de la république qu’il ne parvient visiblement pas à convaincre que le FMI reste, de toute manière, un mal nécessaire.

Ces discours contradictoires à la tête de l’Etat suscitent des interrogations sur les méthodes de fonctionnement de l’exécutif en Tunisie où le président de la république accapare tous les pouvoirs, et plus si affinités, tout en étant le principal opposant au gouvernement qu’il a lui-même nommé. Une situation assez inédite dans l’histoire politique de l’humanité.

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