Le président de la république, Kaïs Saïed a voulu célébrer à sa manière, au plus près du petit peuple, la Journée nationale de la femme, hier, dimanche 13 août 2023, date d’anniversaire de la promulgation du Code du statut personnel, en 1956.
Donc pas de cérémonie officielle au palais de Carthage, avec discours à la clé, en présence des représentantes de la société civile, féministes pures et dures en l’occurrence dont il ne semble pas apprécier la compagnie, lui qui a enterré le projet de loi instaurant l’égalité dans l’héritage entre la femme et l’homme et qui se distingue par son conservatisme religieux.
Saïed a préféré rendre visite à la ferme Borj Toumi (délégation El Battane, gouvernorat de Manouba), pour prendre connaissance de l’état d’avancement du processus de création de la première entreprise citoyenne (ou coopérative) pour femmes baptisée Kadihat (bosseuses).
Le chef de l’Etat a souligné, à cette occasion, qu’il a choisi de célébrer la Fête nationale de la Femme avec «les femmes bosseuses qui persévèrent pour réaliser le progrès et créer la richesse et l’emploi». Et pas avec les bourgeoises intellectuelles et militantes féministes de Tunis, aurait-il pu ajouter, puisque c’est le sens même de sa démarche populiste.
Le peuple contre l’élite
Selon un communiqué publié par la présidence de la république, Saïed a passé en revue les demandes formulées pour la création d’entreprises citoyennes aux échelles régionale et locale dans les domaines du tourisme, l’industrie et le transport, relevant que «certains au sein des administrations œuvrent à bloquer ces demandes».
Saïed reprend ainsi sa rengaine du moment dont il croit pouvoir justifier son maigre bilan économique et social, alors qu’il détient tous les leviers du pouvoir : à l’en croire, c’est l’administration qui l’empêche d’avancer dans son projet, administration dont il est pourtant le chef suprême.
S’adressant à un groupe de femmes agricultrices, le président de la république a également mis l’accent sur l’importance du lancement de la première entreprise citoyenne pour femmes sur un terrain dont la superficie est estimée à 541 hectares, relevant de l’Office des terres domaniales (OTD), soulignant «la capacité de la femme tunisienne libre à innover et à persévérer pour la réalisation de la souveraineté alimentaire».
Il a aussi insisté sur la nécessité de lutter contre les abus dont sont victimes les femmes travaillant dans l’agriculture et de réaliser l’égalité économique et sociale entre les femmes et les hommes.
Le chef de l’Etat a également mis l’accent sur la nécessité pour l’OTD d’assurer une gestion optimale des terres de manière à en faire bénéficier la communauté nationale parce que, d’après ses dires «l’exploitation de la terre, étant une propriété de l’Etat, devrait être accessible au peuple».
Cela dit, ceux et celles qui s’attendaient à l’annonce de mesures présidentielles concrètes pour réorganiser le transport des ouvrières agricoles dans les zones rurales, qui cause plusieurs mortes et blessées chaque année parmi ces bosseuses exploitées, en ont finalement eu pour leur frais. Le président était là pour faire sa campagne électorale avant l’heure, en agitant ses slogans populistes habituels : le peuple contre l’élite.
I. B.
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