Tunisie : Que reste-t-il de la supposée indépendance de la commission électorale ?

Quand on compte le nombre de fois où le président de la commission électorale est reçu par Kaïs Saïed, avant et après chaque élection, on peut sérieusement s’interroger sur le degré d’«indépendance» de ladite commission, dont tous les membres, soit dit en passant, ont été choisis et nommés par le président. (Illustration: l’expression des visages des deux hommes en dit long sur la nature de la relation entre eux).

Par Imed Bahri

Nous écrivons cela après la lecture du communiqué publié par la présidence de la république à l’issue de la rencontre, vendredi 18 août 2023, au palais de Carthage, entre le président de la république et le président de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), Farouk Bouasker, venu lui remettre le rapport de son institution sur la dernière élection des membres de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), qui s’est déroulée en deux tours en décembre 2022 et janvier 2023. Et qui s’est soldée, faut-il le rappeler, par le taux d’abstention le plus élevé jamais enregistré dans l’histoire des élections en Tunisie et dans le monde : 88%. Ce qui entache la légitimité même d’une assemblée si mal élue.

La réunion d’hier a également discuté des préparatifs de l’élection des membres du Conseil des Régions et des Districts, la seconde chambre parlementaire à laquelle le président Saïed tient beaucoup et dont il veut faire l’un des piliers de «son» système politique, ainsi que du rôle de la commission électorale pour faire respecter la loi à toutes les étapes du processus électoral afin que ces élections soient «une expression sincère de la volonté des gens», selon les termes du communiqué présidentiel.

Une instance quasiment aux ordres

Au cours de cette réunion, il a aussi été question du pourvoi des postes vacants au sein du Bureau de l’Isie, après le limogeage de Sami Ben Slama et Maher Jedidi, et ce dans les meilleurs délais afin que l’instance puisse prendre des décisions conformément à la loi, précise le même communiqué. Lequel ne dit mot sur deux autres échéances électorales attendues courant 2024 et qui approchent à pas de géant : les municipales et les présidentielles, dont aucune date n’a encore été fixée, étant entendu que la «très indépendante» Isie n’a pas voix au chapitre et doit attendre que le chef de l’Etat décide lui-même du sort qu’il compte réserver à ces deux échéances, si tant est qu’elles auront lieu aux dates initialement prévues.

On notera, au passage, que ni le président de la république ni le président de l’Isie ne se soucient de préserver les apparences; l’un agissant comme le seul maître à bord – ce qui est la stricte réalité depuis qu’il a proclamé l’état d’exception le 25 juillet 2021 – et l’autre comme simple subalterne qui attend de recevoir les instructions pour savoir ce qui lui reste à faire.

Dans ce contexte, il faut faire preuve de naïveté, de complaisance ou d’indulgence pour continuer à croire à l’«indépendance» d’une Isie quasiment aux ordres.  

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