La Tunisie est de plus en plus perçue comme un facteur supplémentaire d’instabilité pour l’Europe. Elle pourrait pourtant être un vecteur important de stabilité en Méditerranée, moyennant un vaste programme de réformes et d’aides au développement économique.
Par Elyes Kasri *
Certains idéalistes teintés d’anti-américanisme latent ou manifeste, rêvent d’un meilleur ordre mondial multipolaire et plus juste dont l’avènement serait mené par le Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), qui vient de s’élargir pour regrouper dix pays dans des conditions qui ont suscité de nombreuses questions sur son fonctionnement et son avenir.
En admettant les errements de la politique économique et étrangère américaine au cours des dernières décennies, force est de constater qu’outre le caractère hétéroclite du Brics et l’absence de transparence dans ses critères d’adhésion et ses modalités de fonctionnement, son premier échec semble être constitué par l’absence de consensus sur une éventuelle monnaie commune qui viserait à détrôner le dollar américain.
Un vaste programme de réformes
Aussi, les exaltés et impatients de voir poindre un nouvel ordre international, surtout dans un pays qui vit au jour le jour comme la Tunisie, devraient faire preuve de retenue et réaliser que notre pays ne peut se permettre de faire des paris à long terme mais devrait essayer de tirer le maximum de bénéfices de ses relations et intérêts communs avec l’Europe et les Etats Unis d’Amérique qui seront les partenaires incontournables de la Tunisie au moins au cours de la prochaine décennie qui sera capitale pour la survie de l’Etat tunisien.
Aussi, outre la convocation dans les meilleurs délais et surtout avant la fin de cette année du conseil d’association Tunisie-Union Européenne (UE) qui ne s’est pas réuni depuis 2019, l’UE devrait s’engager, en contrepartie de l’introduction par la Tunisie d’un programme de réformes structurelles, à réaliser ce qui suit au cours des dix prochaines années:
– octroi d’une enveloppe de dix milliards d’euros des fonds structurels et d’investissement européens pour la modernisation de l’infrastructure transportuaire tunisienne (ports, aéroports, routes et voies ferrées);
– la délocalisation vers la Tunisie de 1000 entreprises européennes installées en Asie à raison de 100 entreprises par an;
– la réalisation d’un méga projet de développement agricole et de viabilisation du Sahara tunisien à l’instar de Rjim Maatoug en utilisant les eaux souterraines du sud tunisien et l’énergie solaire;
– la mise en place dans chaque gouvernorat tunisien d’un centre de formation professionnelle moderne pour former les techniciens tunisiens dans les spécialités requises en Tunisie et en Europe. Ce programme devrait être accompagné par une campagne de placement de techniciens tunisiens en Europe et de soutien à la création de PME en Tunisie par les diplômés de ces centres de formation professionnelle.
Eviter le tsunami migratoire
Faute d’un programme aussi ambitieux et qui devrait s’accompagner d’un moratoire sur toute conditionnalité politique au moins sur trois ans afin de neutraliser toute velléité de sabotage des réformes par les ennemis intérieurs et extérieurs, la Tunisie et l’Europe risquent de s’enfoncer dans un dialogue de sourds et faire de la Tunisie une menace supplémentaire à la stabilité régionale et surtout celle de l’Europe qui devra faire face à un véritable tsunami migratoire à partir et à travers la Tunisie.
* Ancien ambassadeur.
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