Tunisie, Maghreb et diplomatie des catastrophes

Les dernières catastrophes naturelles au Maroc et en Libye ont mis à nue les dissensions et les béances dans les relations intermaghrébines où la Tunisie semble un peu perdue pour avoir rompu avec les traditions de bienveillante neutralité de sa diplomatie.

Par Elyes Kasri *  

Bon voisinage et fraternité oui, mais chaque Tunisien doit réaliser que l’histoire et les choix de la Tunisie ainsi que le modèle socio-économique auquel aspire notre pays sont forcément différents de ceux de nos voisins qui ont été gâtés par la nature et doivent en subir les bienfaits ainsi que les contraintes et inconvénients.

En plus de l’envoi d’équipes de secouristes et de messages protocolaires adressés au peuple marocain, les usages et coutumes entre pays frères en cas de désastre naturel d’une pareille ampleur nécessitent la communication d’expressions de compassion et de solidarité directement aux chefs d’État et de gouvernement et au ministre des Affaires étrangères du pays frère sinistré.

Une froideur étrangère

Compte tenu de l’ampleur exceptionnelle de ce désastre naturel qui a frappé le Maroc, l’absence de toute communication officielle avec le souverain et les hauts responsables marocains ne ressemble pas à la Tunisie.

Cette froideur étrangère à la Tunisie nous amène à nous interroger sur les raisons d’une telle dégradation des relations officielles entre les deux pays frères et si nous ne serions pas face à un nouvel impair diplomatique et un autre rendez-vous raté avec l’histoire.

Il est encore temps pour se ressaisir. Les intérêts supérieurs et les sentiments profonds du peuple tunisien envers le peuple marocain frère exigent un ressaisissement car les dirigeants passent et la fraternité multiséculaire et indéfectible entre les peuples tunisien et marocain survira indubitablement aux vicissitudes des humeurs et des émotions débridées et déplacées.

Dans ce contexte, certains s’efforcent de mesurer les initiatives diplomatiques tunisiennes à l’aune de la diplomatie algérienne comme si ce pays frère et voisin était un modèle à suivre systématiquement ou se faisait conférer un droit de tutelle implicite sur les décisions tunisiennes.

Le plus grave ce n’est pas tant les déclarations de certains officiels algériens sur la Tunisie qui sont parfois à la limite de l’ingérence bien que le tempérament algérien mette en avant l’indépendance et la fierté nationales, mais surtout, le réflexe de plus en plus en plus ancré chez certains Tunisiens de prendre l’Algérie comme une référence pour la diplomatie tunisienne.

Souverainisme et susceptibilité

Ces Tunisiens soucieux des sentiments et même de la susceptibilité de nos voisins doivent réaliser qu’à moins d’être une wilaya algérienne, la Tunisie a ses propres spécificités et contraintes qui sont différentes de celles de nos voisins immédiats.

Donc, le vœu de conformité totale de nos choix intérieurs et extérieurs avec ceux de nos voisins est intenable à moins d’ignorer les spécificités et intérêts de la Tunisie.

Bon voisinage et fraternité oui, mais chaque Tunisien doit réaliser que l’histoire et les choix de la Tunisie ainsi que le modèle socio-économique auquel aspire notre pays sont forcément différents de ceux de nos voisins qui ont été gâtés par la nature et doivent en subir les bienfaits ainsi que les contraintes et inconvénients.

* Ancien ambassadeur.

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