En se déplaçant, dimanche 24 septembre 2023, à l’avenue Habib Bourguiba, au centre-ville de Tunis, avant de se rendre, à pied, à Megrine (Ben Arous), dans la banlieue sud de la capitale, le président Kaïs Saïed a constaté ce que les Tunisiens n’ont cessé de déplorer depuis des mois sinon des années : le pays est particulièrement sale. Vidéo.
Par Imed Bahri
Le président de la république, qui était accompagné d’un important dispositif sécuritaire, a échangé avec les citoyens à propos de leurs préoccupations, et constaté les déchets qui s’acculement de part et d’autres de la rue et l’état de délabrement de nombre de bâtiments, en déplorant, lui aussi, l’impact négatif que cette situation pourrait avoir sur la santé humaine et l’environnement.
Le président de la république a aussi critiqué l’accumulation d’ordures dans les rues de Megrine, relevant que la Tunisie mérite un meilleur entretien pour retrouver sa verdure légendaire.
Le constat de l’impuissance publique
Se rendant ensuite à la place où a été assassiné le leader syndicaliste Farhat Hached à Megrine, en 1952, le chef de l’Etat a indiqué que «ce lieu aurait dû être mieux entretenu et conservé», soulignant l’importance pour les forces nationales d’adhérer à la «lutte de libération nationale», qu’il prétend conduire depuis la proclamation de l’état d’exception, le 25 juillet 2021.
Sur un autre plan, le chef de l’Etat a critiqué, lors d’une visite à une grande surface, les prix affichés des produits alimentaires, soulignant la nécessité de mieux contrôler les prix pour décourager les spéculateurs, vieux problème s’il en est auquel l’Etat semble dans l’incapacité de remédier.
Au-delà de l’utilité de ces visites de terrain, qui tiennent plus d’une campagne électorale avant l’heure que d’autre chose, ce qui interpelle le plus notre conscience citoyenne, c’est le constat réitéré de l’impuissance publique que le président Saïed, qui accapare tous les pouvoirs dans le pays, incarne à merveille.
Le président de la république fait des remarques, déplore des réalités, lance de vagues accusations à gauche et à droite, mais ces apparitions publiques, au-delà de leur effet d’annonce, restent souvent sans effet. Puisque, souvent, rien ne se passe pour remédier aux problèmes constatés, comme celui de la saleté des rues et des places publiques.
Le président a beau invoquer de mystérieux complots et accuser des ombres chinoises, tant que ses déclarations restent sans effet, il ne pourra prétendre diriger efficacement un pays devenu méconnaissable pour ses propres enfants et qui n’est jamais tombé aussi bas dans tous les domaines.
En ordonnant, il y a un an, la dissolution des conseils municipaux, le président de la république a-t-il vraiment réfléchi aux conséquences prévisibles d’une telle décision, même si ces chers conseils ne faisaient pas preuve, eux non plus, d’une grande efficacité?
Avant cette dissolution, on pouvait au moins se défausser de tout ce qui ne marche pas dans nos villes et villages sur tel ou tel président de conseil municipal. Mais aujourd’hui, qui va-t-on accuser, sinon le chef du gouvernement, les membres de son cabinet et même, celui qui a choisi et nommé tout ce beau monde, le président de la république lui-même ?
Une administration publique démobilisée
Bien sûr, les citoyens qui jettent leurs ordures partout, et de préférence sur la voie publique, ont une grande part de responsabilité dans cette situation. Mais qui n’applique pas la loi aux auteurs de ces abus et laisse la situation pourrir – et c’est le cas de le dire – sinon l’administration publique, qui, par sa passivité sinon sa complicité active, est à l’origine de la gabegie générale régnant actuellement dans le pays ? Et qui est le principal responsable de cette administration publique, aujourd’hui démobilisée, sinon le président de la république, le seul capable de faire bouger les choses dans le bon sens par de simples décrets.
Cela dit, occuper les gens par l’élection de nouvelles institutions dont peu de citoyens voient vraiment l’urgence ou même l’utilité pour soi-disant asseoir une «vraie démocratie directe» n’est peut-être pas la bonne méthode pour mobiliser les gens autour d’un projet de redressement national…, alors que leurs problèmes sont ailleurs : la saleté de l’espace public, les pénuries de produits de première nécessité, la dégradation des services publics (moyens de transport, hôpitaux, écoles…) et l’absence de perspective pour leurs enfants qui ont tous déjà voté par leurs pieds… en fuyant le pays.
A bon entendeur…
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