Les potins du cardiologue : une angioplastie ni nécessaire ni suffisante

J’ai eu un retour sur un article précédent publié il y a quelques mois dans Kapitalis. L’un de mes collègues n’a pas apprécié mon évocation de faits dans lesquels il s’est à juste titre reconnu et me l’a fait savoir.

Par Dr Mounir Hanablia *

D’abord je tiens à préciser que je respecte son point de vue et que je lui souhaite une brillante réussite professionnelle. Ce que j’ai évoqué n’obéit à aucune considération personnelle, et j’ai pris bien soin dans l’article de ne dévoiler ni le nom du médecin ni l’établissement où les choses se sont déroulées. De plus je n’en ai discuté avec aucun autre collègue et je n’ai aucune intention de le faire. Cela dit, je n’ai évidemment pas pu taire au patient la réalité d’un état, sérieux, pouvant devenir critique.

En relisant l’article contesté, et mis à part l’évocation du prolongateur, dont je reconnais effectivement qu’elle n’était pas fondée, le fond de ce cas clinique n’a pour moi pas changé: le patient est venu avec une fraction d’éjection de plus de 55% avant la coronarographie, et l’indication chirurgicale avait été à juste titre portée. Un infarctus antérieur et une semaine plus tard, il a développé une dysfonction du ventricule gauche symptomatique et sa fraction d’éjection est tombée à moins de 30%, malgré une désobstruction coronaire assurée sur une artère interventriculaire antérieure de très mauvaise qualité. Vu son âge et ses tares, il est peu probable après la disparition de la sidération et de l’hibernation, que la récupération de la force contractile du muscle cardiaque soit suffisante. 

Le fait qu’avec trois artères coronaires bouchées le patient n’ait pas développé un état de choc cardiogénique indique une remarquable adaptation à l’ischémie probablement grâce au développement d’une importante circulation collatérale, donc une ischémie chronique. Néanmoins on lui a proposé l’implantation d’autres stents ultérieurement, qui sur ce terrain n’est pas sans risques.

Il convient au contraire de se poser la question de savoir si l’angioplastie coronaire réalisée a bien été utile, au moins en urgence. De surcroît l’autre question est de savoir s’il convient de désobstruer une artère qui vascularise un territoire dyskinétique, sans espoir de récupération. Or il n’y a pas eu d’écho doppler cardiaque préalablement à la désobstruction pour s’informer de cette éventualité.

En réalité, ce patient aurait dû bénéficier d’une chirurgie de pontage coronaire immédiatement après la coronarographie. Au lieu de cela et quelles qu’en soient les raisons, il est rentré chez lui, et les choses, fortuitement ou non, ont mal évolué. Bien que son devenir me soit présentement inconnu, prétendre ainsi lui avoir sauvé la vie paraît relever plus du vœu pieux que de la réalité objective, tant l’insuffisance ventriculaire gauche constitue le chant du cygne du coronarien.

Tout compte fait, le plus difficile n’est pas de réussir une procédure laborieuse, mais de se remettre en question.

* Médecin de libre pratique.

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