Crise du transport en Tunisie : Qui va remédier à quoi ? (Vidéo)

Le président Kaïs Saïed est à l’écoute des Tunisiens. On ne peut pas dire le contraire. Il pointe également les carences et les dysfonctionnements dont ses électeurs se plaignent sans cesse. Mais le problème c’est qu’il ne se considère pas redevables des solutions et se contente souvent de les indiquer, et c’est aux autres responsables de l’Etat de se débrouiller… Même s’ils n’en ont pas les moyens. Et c’est souvent le cas. Dans tous les secteurs. Vidéo.

Par Imed Bahri

Lors d’une visite inopinée, effectuée dans la, soirée du vendredi 24 novembre 2023, à l’entrepôt de la Société des transports de Tunis (Transtu) à Bab Saâdoun, le président de la république a déclaré : «Le transport public est devenu un calvaire quotidien pour les Tunisiens, notamment les élèves, les femmes, et les employés», relevant que «des élèves ont abandonné leurs études faute de moyens de transport, surtout les bus».

Saïed, qui a été rejoint en catastrophe par le ministre du Transport Rabie Majidi, a insisté, dans ce contexte, sur la nécessité de fournir aux Tunisiens un service de transport commun «décent et sécurisé», estimant que «les prestations de transport durant les années 70 étaient beaucoup mieux qu’aujourd’hui». Et de réitérer l’impératif de «mettre fin à cette souffrance et de rétablir plusieurs lignes de bus, abandonnées, à même de faciliter le déplacement des citoyens».

Le citoyen otage du manque de moyens

Lors de sa tournée dans les divers espaces de l’entrepôt de la Transtu, le président de la république a pris connaissance des dizaines de bus hors d’usage, qui ont fini à la ferraille. «Voici l’argent du peuple! Des millions de dinars sont jetés alors que le citoyen souffre quotidiennement et on se demande comment pourrait-on financer le budget de l’Etat?», a lancé le chef de l’Etat, recommandant le transfert de la casse vers la société El Fouladh et plaidant en faveur d’une meilleure coopération entre les sociétés publiques pour l’intérêt du pays.

Cette situation catastrophique constatée par Kaïs Saïed est le résultat de plusieurs décennies de gabegie, de laisser-aller, de mauvaise gestion et de vieillissement des infrastructures et des équipements, mais le problème c’est que les solutions sont souvent préconisées par les responsables qui se succèdent à la tête des ministères, mais ne sont pas mis en œuvre à temps.

Les constats et les appels du président de la république sont faits depuis de nombreuses années par les Tunisiens, y compris les responsables politiques et les dirigeants des sociétés de transport qui, pour la plupart relèvent de l’autorité de l’Etat et dépendent donc directement du gouvernement et des moyens que celui-ci met à leur disposition pour améliorer leur gestion, leurs moyens humains et leurs équipements. Mais le président de la république semble éluder cette question des moyens. «Ce qui nous manque pour offrir au Tunisien un service convenable, ce ne sont pas les moyens, mais plutôt la volonté», a-t-il dit, ajoutant que les procédures administratives et la loi doivent servir le citoyen et non pas «des lobbies qui œuvrent pour anéantir le transport public», pointant ainsi, comme à son habitude, des saboteurs, des corrompus et des ennemis du peuple, qui seraient les seuls responsables du désastre que vivent quotidiennement les Tunisiens.

D’ailleurs, Kaïs Saïed n’a pas manqué d’évoquer, lors de cette visite, le problème de corruption au sein de la Transtu, signalant des actes de vol de pièces de rechange de bus et appelant à faire face à tous les dépassements.

Qui doit décider et agir ?

Cependant, une question se pose : qui va se charger d’engager cet immense chantier d’assainissement des entreprises publiques qui tarde à être mis en route ? N’est-ce pas le gouvernement, qui a la responsabilité de ces entreprises en quasi-faillite, notamment les mastodontes opérant dans le secteur du transport, comme la Transtu, Tunisair, la SNCFT, la CTN et les sociétés régionales ? Et qui chapeaute l’Etat ? N’est-ce pas le président de la république, le seul habilité à prendre certaines décisions douloureuses que la situation générale dans le pays dicte ?

Se contenter de souligner l’impératif d’identifier des solutions urgentes pour améliorer les services du transport public dans les différentes régions du pays, comme fait le Kaïs Saïed avant-hier, est insuffisant. Il faut des décisions, et des moyens que seul le chef de l’Etat peut (et doit) assurer (et assumer). Surtout qu’avec le système hyper-présidentiel qu’il a lui-même instauré avec la constitution promulguée en 2022, plus personne, à tous les étages de la hiérarchie de l’Etat, ne veut prendre des décisions ou les mettre en route au risque de se voir poursuivi en justice pour malversation ou corruption. Comment sortir de ce cercle vicieux où la parole est rarement suivie d’action : le président parle mais rien ne se fait ?

Donnez votre avis

Votre adresse email ne sera pas publique.