Gaza et les va-t-en-guerre des plateaux de télévision

Ce n’est pas faire preuve de défaitisme que d’admettre la réalité de son infériorité militaire et d’éviter de déclencher une guerre qu’on n’a pas les moyens de remporter. N’en déplaise aux va-t-en-guerre des plateaux de télévision qui nous gavent d’inchallah.  Alors que Gaza n’en finit pas de compter ses morts…

Par Faik Henablia *

La tragédie de Gaza semble fournir l’occasion à plusieurs é «experts», militaires et autres,  d’essaimer les plateaux de télévision en nous expliquant comment l’action du Hamas du 7 octobre dernier constitue un succès pour le peuple palestinien ainsi qu’une défaite cuisante pour Israël. 

Si la démolition, aux trois quarts, d’un territoire et le déplacement de 1,5 million de personnes se retrouvant sans logement, sans eau, sans nourriture, sans soins, constitue une victoire, si la disparition de 16.000 Gazaouis sans compter ceux encore non comptabilisés et sous les décombres et les mutilés à vie, si tout cela ne suscite de commentaires autres que «toute cause a besoin de martyrs», alors c’est qu’il faudrait sans doute revoir notre conception tant de la victoire que de la défaite, comme celle de l’empathie.

D’une défaite, l’autre  

Pour en revenir aux «experts», l’un d’eux, ex-militaire mais semblant poursuivre sa quête de  galons, de propagandiste, cette fois-ci, vient de nous affirmer avec beaucoup d’aplomb, sur un récent plateau TV que l’armée égyptienne est capable de pulvériser Israël en quelques heures, en cas d’attaque. Rien que ça! 

Sans doute avait-il dit la même chose de l’armée de Saddam.

Son raisonnement se base sur la quantité de matériel militaire accumulée par l’armée égyptienne depuis quelques années. 

Accumuler est certes, bien, mais être capable de produire par soi-même des chars d’assaut, des avions de chasse, des sous-marins, de la haute technologie et ne pas dépendre de l’étranger pour les pièces de rechange est encore mieux. Ou alors c’est que cet «expert» a oublié le fameux discours du Palmarium, lorsque Bourguiba avait fait la leçon à Kadhafi, qui y allait de son fameux «Toz Fi Amerika !» («Au diable l’Amérique !»), si tant est qu’il en ait jamais entendu parler. 

Lors de la guerre de 1967, nous étions encore élèves de secondaire, et notre professeur d’anglais, un Palestinien, nous expliquait aux premières heures des opérations, que les troupes  égyptiennes venaient  de libérer son village natal en Palestine. . . Le lendemain, lorsque la sombre vérité avait fini par éclater, nous lui avions demandé sans une certaine cruauté infantile: «Alors qu’ont-ils fait ? Rien, nous avait-il répondu, en baissant la tête, rien».

En écoutant cet expert, l’on se croirait revenu à cette époque de propagande nassérienne lorsque l’on nous affirmait qu’Israël n’avait qu’à bien se tenir et qu’il allait voir ce qu’il allait voir.  

Rattraper le retard

La différence entre Israël et l’Egypte est que le premier est à la pointe de la technologie et de l’invention, alors que le second dépend du bon vouloir de l’étranger pour s’équiper. L’un produit, ou du moins, maîtrise ses sources de production, l’autre non. L’un peut compter sur la générosité sans limite des Etats-Unis, premier marchand d’armes au monde, l’autre non.

C’est une question d’écart civilisationnel que l’ego surdimensionné de certains empêche d’admettre, malgré les défaites et les raclées successives.

Ce gap ne sera pas comblé à coup de bla-bla d’«experts» faisant la vedette sur les plateaux de télé, flattant les gens en leur disant ce qu’ils veulent entendre, mais par un travail profond et de très longue haleine.   

Il est malheureux que la Tunisie, qui paraissait avoir échappé à cette rhétorique, semble aujourd’hui y sombrer corps et biens.   

* Docteur d’Etat en droit, ex-gérant de portefeuille associé.

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