Tunisie – Chine : un nécessaire rééquilibrage

Le renforcement des relations entre la Tunisie et la Chine, dont parlent aujourd’hui les responsables des deux pays, doit commencer par la réforme des relations déjà existantes, qui sont très déséquilibrées en défaveur de notre pays.

La Chine est prête à consolider la confiance politique mutuelle et à approfondir la coopération dans divers domaines avec la Tunisie, a déclaré le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi lors d’une rencontre avec le président tunisien Kaïs Saïed à Tunis, capitale de la Tunisie, lundi 15 janvier 2024, au Palais de Carthage, au cours de laquelle les deux hommes ont exprimé leur opposition à toute ingérence dans les affaires intérieures d’autres pays sous prétexte des droits de l’homme et de la démocratie.

Wang, également membre du Bureau politique du Comité central du Parti communiste chinois, effectue une tournée régionale en Egypte, en Tunisie, au Togo et en Côte d’Ivoire du 13 au 18 janvier. A Tunis, il a déclaré que la Chine soutenait fermement la Tunisie dans la sauvegarde de sa souveraineté et de sa dignité nationales, thèmes souvent évoqués par le président Saïed pour critiquer ce qu’il considère comme des ingérences inacceptables de certains Etats occidentaux dans les affaires intérieures de son pays, notamment à propos des droits de l’hommes et des réformes politiques et économiques.

Pour un monde multipolaire

Au cours de l’eur ‘entretien, Saïed a exprimé sa grande appréciation pour la philosophie de gouvernance du président chinois Xi Jinping, saluant les grandes réalisations de la Chine dans la promotion de la modernisation, les 60 années de développement des relations tuniso-chinoises et les résultats fructueux de la coopération pragmatique. «Bien que la Tunisie et la Chine soient éloignées l’une de l’autre, notre amitié est forte et nos peuples sont proches l’un de l’autre», a déclaré Saïed, exprimant ses remerciements pour le soutien précieux et à long terme de la Chine pour aider la Tunisie à se développer et à améliorer la vie de sa population.

La Chine est disposée à renforcer la coordination avec la Tunisie et à promouvoir une multipolarité mondiale égale et ordonnée ainsi qu’une mondialisation économique qui profite à tous, a encore déclaré Wang Yi.

La Chine soutient également fermement la Tunisie dans la sauvegarde de sa souveraineté, de son indépendance et de sa dignité nationale, dans l’exploration d’une voie de développement conforme à ses propres conditions nationales et dans la promotion indépendante du processus de réforme nationale.

Le monde d’aujourd’hui est affligé d’incertitude et d’instabilité ainsi que d’unilatéralisme rampant, de politique de puissance et d’hégémonie, a déclaré Wang, notant que la Chine s’oppose à l’imposition de ses propres valeurs, à la transformation des autres pays selon ses propres normes et à l’ingérence dans les affaires intérieures d’autres pays sous le prétexte des droits de l’homme et de la démocratie.

Le président tunisien a déclaré que son pays continuerait à participer à la construction conjointe de l’initiative chinoise de «la Ceinture et la Route» et était attaché au principe d’une seule Chine et à la résolution 2758 de l’Assemblée générale des Nations Unies reconnaissant à la Chine son droit dans l’exercice de sa souveraineté sur l’ensemble de son territoire, selon le communiqué chinois.

Wang a également rencontré lundi le ministre tunisien des Affaires étrangères Nabil Ammar, et tous deux ont déclaré qu’ils espéraient un plus grand développement des relations bilatérales alors que cette année marque le 60e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la Tunisie.

Le principe de non-ingérence

Selon le communiqué du ministère des Affaires étrangères chinois, les deux parties sont convenues de renforcer les échanges de haut niveau et d’élargir la coopération tous azimuts Elles ont exprimé leur volonté de renforcer la coordination, de sauvegarder les droits et intérêts légitimes des pays en développement ainsi que le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures. Elles ont également échangé leurs points de vue sur le conflit israélo-palestinien et exprimé leur soutien commun au peuple palestinien dans la poursuite de la juste cause du rétablissement de ses droits nationaux légitimes.

La Tunisie, bien qu’elle ait toujours appartenu au bloc occidental, n’a jamais reconnu officiellement Taïwan et a gardé de bonnes relations avec la Chine, même du temps du communisme pur et dur. Et les Chinons ont contribué au développement de notre pays en construisant notamment des infrastructures vitales, en particuliers des barrages et des lacs collinaires.

Il n’en reste pas moins vrai que la Chine représente – et de très loin – le premier et le plus gros déficit commercial de la Tunisie et ce sont les produits chinois, introduits clandestinement via les frontières libyennes et algériennes, qui alimentent le marché parallèle à l’échelle national, véritable plaie de l’économie tunisienne. Beaucoup de ces produits, contrefaits ou de mauvaise qualité, d’où leurs prix défiant toute concurrence, concurrencent la production industrielle nationale dans beaucoup de domaines et sont même derrière la faillite de plusieurs de nos entreprises. Aussi, le renforcement des relations tuniso-chinoises, dont parlent aujourd’hui les responsables des deux pays, doit-il commencer par le rééquilibrage des relations existantes, très déséquilibrées en faveur de la Chine.

Imed Bahri

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