‘‘Louis XI’’, l’universelle araignée : la ruse au pouvoir, la guerre par les autres

Contrairement à l’Angleterre où la noblesse alliée à la bourgeoisie a finalement eu le dessus et imposé sa volonté en imposant une monarchie constitutionnelle, le pouvoir royal établi en France par Louis XI (1461-1483) a conservé un caractère absolutiste qui a perduré jusqu’à la Révolution (1789-1799), et marqué de son empreinte la République Française.

Par Dr Mounir Hanablia *

S’il y a un roi auquel la France doit son existence plus que tout autre, c’est bien Louis XI. Héritier d’un père autoritaire et indolent que les évènements plus que ses talents propres ont porté à la tête de la reconquête française face aux Anglais à la fin de la guerre de cent ans, il fait ses premières armes face aux nobles révoltés du Midi, Foix, Armagnac, Nemours,  qu’il subjugue en en jouant des uns contre les autres.

Ayant participé à la Praguerie, en s’alliant à ces mêmes seigneurs, il est contraint de s’incliner en réintégrant une cour qu’il n’apprécie pas et en étant privé de toute ressource propre. Il profite d’une mission de pacification dans le Dauphiné pour s’y installer, le gérer efficacement, apprendre l’administration en y créant le premier service européen, et la diplomatie grâce aux relations avec ses voisins, Provence, Bourgogne, Savoie. Il s’initie même aux affaires italiennes par le biais des contacts établis avec la Lombardie et Milan. Il se marie contre la volonté paternelle royale à une héritière de Savoie, refuse d’obtempérer à ses injonctions de réintégrer la cour royale, et s’enfuit chez le Duc de Bourgogne, où il demeurera plusieurs années, jusqu’à ce que la couronne de France lui échoit avec la mort de son père.

La grande œuvre

A 47 ans, commence alors la grande œuvre de la vie de Louis XI, la suppression définitive de la menace anglaise contre la couronne de France grâce à la destruction de son allié, le duché de Bourgogne.

De Montlhéry à Péronne, puis à Beauvais, les batailles entre Français et Bourguignons se suivent sans être décisives mais la France récupère la Picardie. Le débarquement d’Edward IV d’Angleterre, le roi invincible venu conquérir son royaume en France, n’aboutit pas, les Anglais se trouvant accablés par la stratégie de la terre brûlée adoptée par des Français évitant toute bataille rangée et se bornant à harceler leurs adversaires. L’allié des Anglais Charles dit le téméraire, le duc de Bourgogne, ne remplit pas ses engagements, étant occupé en Allemagne, et la paix est établie entre Français et Anglais par le traité de Cambrai.

La grande habileté de Louis XI est alors de prolonger la trêve avec la Bourgogne afin de  laisser son duc s’enfoncer dans les rêves de conquête en Allemagne et en Suisse. Malgré ses richesses et ses nombreux soldats, celui-ci s’avère être un piètre stratège, et il est battu en Suisse, à Grandson, à Morat, et finalement à Nancy où il finit par perdre la vie.

Néanmoins le Roi Louis n’en profite pas pour annexer tout le territoire bourguignon jusqu’aux Pays-Bas, en raison de l’hostilité des cités flamandes, en particulier Gand, et alors que l’Angleterre, occupée sur sa frontière nord avec les guerres écossaises fomentées par lui-même, ne peut pas intervenir.

Un embryon d’unité nationale

En fin de compte à la mort de Louis XI, les frontières françaises au nord et au sud sont affermies, la menace bourguignonne a disparu, les Anglais sont partis, la noblesse a été mise au pas, et un Etat avec des fonctionnaires recrutés sur le mérite et une armée permanente a constitué l’embryon de l’unité nationale.

Certes, tout cela s’est fait avec beaucoup de difficultés; des nobles ont été exécutés, des villes telles que Bouchain ou Lièges détruites, leurs populations étant victimes d’exactions. Mais en fin de compte, c’est la stratégie politique adoptée par le Roi, celle de laisser le duc de Bourgogne courir seul à sa perte, en soutenant en sous-main ses adversaires, qui jointe à celle de fédérer et de soutenir les factions anglaises les moins hostiles en Angleterre dans la guerre dite des deux roses, qui ont finalement assuré la pérennité de son royaume, la France.

Certes, contrairement à l’Angleterre où la noblesse alliée à la bourgeoisie a finalement eu le dessus et imposé sa volonté en imposant une monarchie constitutionnelle, le pouvoir royal établi par Louis XI a conservé un caractère absolutiste qui a perduré jusqu’à la Révolution, et marqué de son empreinte la République Française. Il faut néanmoins bien admettre que sans lui, la face de l’Europe eût été certainement changée. 

* Médecin de libre pratique.     

‘Louis XI’’ de Paul Murray Kendall, éditions Fayard, 1er janvier 2014, Paris, 586 pages.

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