Tunisie – Liberté de la presse : initiative législative pour amender le décret-loi 54

Une initiative législative a été déposée par dix députés visant à modifier le très contesté décret-loi n° 2022-54, relatif à la lutte contre la délinquance liée aux systèmes d’information et de communication, texte devenu une épée de Damoclès au-dessus de la tête des journalistes, des hommes politiques et même des simples citoyens s’exprimant sur les réseaux sociaux.

Le député Yassine Mami a indiqué mercredi 21 février 2024 à l’agence Tap que l’initiative a été lancée par des députés de cinq blocs parlementaires et des députés non partisans. Bénéficiant du soutien de 40 députés, elle a été soumise mardi à la présidence de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), a-t-il indiqué. Elle sera envoyée au Bureau de l’ARP et aux commissions compétentes pour examen, a-t-il ajouté.

Le député Yassine Mami a souligné que cette initiative législative concerne plusieurs articles du décret-loi qui «restreignent la liberté dexpression des journalistes et penseurs dans leurs publications ou articles», ajoutant que certains députés avaient constaté que le décret-loi 54 était abusif. «Il viole la liberté de la presse et la liberté d’expression et met en danger certains acquis de la transition démocratique», a-t-il expliqué.

Le député a également souligné que «l’idée du décret-loi est positive en soi», car elle «vise à mettre fin au désordre régnant dans les médias sociaux». Il a toutefois noté qu’il y avait une «certaine légèreté» dans le renvoi d’un certain nombre d’affaires en vertu de ce décret-loi.

L’initiative législative fait suite à l’adoption par le Parlement, le 6 février, d’un projet de loi portant adhésion de la Tunisie à la Convention du Conseil de l’Europe sur la cybercriminalité, adopté à Budapest le 23 novembre 2001, qui vise à lutter contre les abus dans les réseaux sociaux tout en préservant la liberté d’expression.

Rappelons que le décret-loi n°54 a été promulgué par le président de la république Kaïs Saïed, le 13 septembre 2022, et que depuis sa promulgation, il a été utilisé pour museler la liberté d’expression et la liberté de la presse, certains juges abandonnant le décret-loi n°115, qui fait figure de code de la presse, pour juger les délits de presse. Beaucoup de journalistes sont en effet poursuivis en justice sur la base du décret n°54, qui n’est nullement adapté.

Il reste cependant à se demander si cette initiative législative va pouvoir aboutir, sachant que l’Assemblée a toujours avalisé les décisions du président de la république, depuis l’instauration du système hyper-présidentiel par le président Kaïs Saïed, et ce après la proclamation de l’Etat d’exception, le 25 juillet 2021, et la promulgation de la nouvelle constitution le 17 août 2022.

I. B. (avec Tap).

 

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